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La dangereuse filière Dubaï
PORT D'ALGER
Publié dans Liberté le 11 - 12 - 2002

Armes blanches, documents subversifs, briquets “Ben Laden”, les Douanes algériennes font face à un courant
de fraude d'un genre nouveau en provenance de l'Emirat.
À la faveur des nouveaux dispositifs organisationnels introduits récemment par l'administration douanière, le port d'Alger est devenu, depuis quelque temps, selon les observateurs, hermétique à toutes formes de fraudes. Une autre réputation commence à naître au sein de cette enceinte portuaire, désormais désertée, voire “boudée”, par les pseudo-opérateurs activant dans l'import. De l'avis même de bon nombre d'importateurs, on signale que les choses ont pris un tournant plus sérieux à ce niveau. En témoignent, d'ailleurs, les différentes prises et autres interceptions de conteneurs bourrés de produits “suspects”, opérées ces 3 derniers mois par les douanes du port d'Alger. Le nouveau chef d'inspection divisionnaire (CID), M. Regue Benamar, a bien voulu répondre à nos questions, notamment après l'apparition sur le marché, ces derniers temps, de produits jugés subversifs, tels que les fameux briquets à l'effigie de Ben Laden et montrant le triste spectacle de la catastrophe du 11 septembre 2001.
“Depuis un certain temps, nous avons été informés de ce courant de fraude et avons procédé, ces trois derniers mois, à la saisie d'une quantité importante de briquets en tout genre, qu'il s'agisse de ceux portant l'effigie de Ben Laden ou encore ceux comportant des messages publicitaires en faveur de certaines marques de tabacs”, explique le CID du port d'Alger, précisant que cette marchandise provient de Dubaï.
Contre toute attente, il dira : “Les informations dont nous disposons font état de la fabrication de ces briquets en Italie.” Et d'ajouter que la police de ce pays est sur une enquête. “C'est donc grâce au tri systématique” des conteneurs que la découverte a pu avoir lieu étant donné que la déclaration n'est pas explicite, voire détaillée.
Cela dit, ajoute notre interlocuteur, rien n'exclut qu'une petite quantité ou quelques pièces de ces briquets aient pu être introduites “autrement” sur le marché.
Parallèlement, plus de 15 000 armes blanches, des poignards, épées et autres cannes à couteaux, toujours en provenance de Dubaï, ont été interceptées au port d'Alger ces trois derniers mois. “De manière générale, conformément aux instructions de notre direction générale, nous restons vigilants sur tout ce qui a trait à l'apologie de tels actes ou autres idéologies pouvant porter atteinte à la sécurité de l'Etat”.
Pour illustrer l'importance des saisies et prises opérées, M. Benamar exprimera le souhait de voir son administration dotée de plus d'espaces et hangars pour l'emmagasinage de ces marchandises prohibées. Cependant, tient-il à mentionner, parfois, certains importateurs ne sont pas assez informés des cas de prohibition et, à ce titre, ils doivent être vigilants dans leurs achats en raison des peines qu'ils encourent en cas de récidive sur ce chapitre précis. Sur un tout autre plan, notre interlocuteur relève qu'actuellement une véritable reconversion dans l'activité d'importation est en train de s'opérer, puisque “l'on enregistre des importations orientées essentiellement vers le fonctionnement et la matière première…”
La nouvelle philosophie douanière, suggère-t-il, sur orientation de la direction générale, s'achemine vers une option commerciale, c'est-à-dire au service de l'économie, sans distinction entre le public et le privé, les importateurs de matières premières ou ceux qui activent dans la revente en l'état. Il est vrai, souligne-t-il, que “l'administration douanière est interpellée pour mettre en œuvre un dispositif de facilitation en direction des opérateurs, car il s'agit d'un volet stratégique, en ce sens où il y va de l'approvisionnement du pays”.
Parlant d'une nouvelle dynamique, le CID du port d'Alger nous invite à constater de visu “l'amélioration de l'activité dans cet espace”.
Il estime que la nouvelle tendance des importations, plus portée sur des articles “maîtrisables”, favorisera l'émergence d'une catégorie d'opérateurs “clean”, avec lesquels les facilitations escomptées peuvent avoir des répercussions positives sur l'économie en général. D'ailleurs, ces mesures sont inscrites au registre des objectifs du port d'Alger, où “plus de 60% des conteneurs bénéficieront du couloir vert et ce, au cours du 1er semestre de l'année 2003”.
En clair, cette démarche visant à la fois à œuvrer au désengorgement du port et à gagner en frais et surcoûts consiste à permettre à l'opérateur de prendre possession de ces conteneurs sans aucune formalité préalable. D'où la nouvelle conception de dédouanement, mentionne M. Benamar, privilégiant “le contrôle documentaire” et qui, implicitement, implique une responsabilisation de l'importateur, engagé ainsi par sa propre déclaration.
“Cela participe à la vision qui consiste à ne point traiter les importateurs comme des trabendistes”, relève-t-il, en ajoutant que “ceux qui approvisionnent le marché national doivent être considérés comme des partenaires à part entière”.
Nous avons aussi appris qu'une vaste opération de désengorgement du port d'Alger devra être lancée prochainement avec le concours de l'EPAL. Le nombre des conteneurs qui encombrent les quais reste sujet à controverse, mais la solution semble trouvée par un transfert général sur le site de Rouiba, au niveau de la zone industrielle. On parle de 2 000 conteneurs, parfois plus, abandonnés par leurs propriétaires depuis des années, en raison, entre autres, comme l'explique notre interlocuteur, de la fameuse valeur administrée, fuie par les importateurs. D'ailleurs, pour éviter de telles situations de blocage ou autres contentieux, déclare M. Benamar, “nous privilégions le traitement des litiges par règlement administratif avec le consentement de l'opérateur”, c'est-à-dire le traitement à l'amiable en cas d'infraction, à la condition que celle-ci soit reconnue par son auteur. À titre de rappel, les douanes algériennes s'étaient heurtées à une problématique de haute facture sur la question des valeurs et des barèmes à considérer.
Entre la minoration et la majoration, le débat, ayant porté sur la délimitation réelle du seuil d'alerte quant à la valeur acceptable, a fini par laisser place à la solution intermédiaire qui consiste à se référer aux prix pratiqués sur le marché intérieur. Pour terminer, M. Benamar dira : “L'on voudrait arriver à permettre aux opérateurs de lever leurs marchandises dans des délais maximum de 48 heures.”
À ce titre, il indiquera que, grâce à la coopération des services de l'EPAL, “on a créé une inspection de visite sur place, à l'intérieur du port, il y a une dizaine de jours seulement”. Celle-ci devra être suivie d'une autre annexe au centre, dotée des instruments requis dans le souci d'assurer une “fluidité précieuse pour la liquidation des dossiers”.
Ce qui a aussi permis d'atténuer la pression et l'attente relevées au niveau de la structure centrale. Interrogé, encore une fois, avec insistance sur le nombre réel de conteneurs en souffrance, M. Benamar répondra : “Je préfère donner ce chiffre quand l'opération de désengorgement aura été bouclée.”
L'ambition telle que présentée s'annonce prometteuse, mais interpelle toutefois plusieurs interrogations, sachant que les douanes restent vulnérables du point de vue moyens humains et matériels, face à la nouvelle mission projetée. Qu'en est-il de ce chapitre justement ?
Le CID nous fera savoir qu'ils viennent justement, grâce à l'insistance de la direction générale auprès des pouvoirs publics, de recueillir une somme de dotations en équipements techniques et informatiques, matéœriels roulants et un apport de soutien considérable pour la bonne marche de l'activité douanière au port d'Alger. Outre les mesures d'incitation des douaniers par la revalorisation des primes de rendement décidées, M. Benamar dira qu'un nouveau régime de promotion et avancement, basé sur le préalable des concours et épreuves internes, a été mis en place, pour l'accès à tous les grades de la fonction, et ce, dans un souci “d'équité et de transparence”. Enfin, il rappellera que ce sont moins de 1 000 agents qui sont mobilisés au port d'Alger. “Quotidiennement, on traite environ 1 000 conteneurs et on dégage une recette de 30 à 40 milliards de centimes par jour, pour la seule division Alger-commerce”, souligne notre interlocuteur.
A. W


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