Les parents des victimes n'arrivent toujours pas à comprendre comment un tel massacre a pu être commis dans un pays des plus policiés de la Russie. La Russie a mis ses drapeaux en berne depuis hier, premier jour d'un deuil national qui se poursuit aujourd'hui, en hommage aux victimes de la prise d'otages de Beslan par des terroristes tchétchènes, la plus meurtrière jamais perpétrée au monde. À Beslan, en République d'Ossétie du Nord, c'est la consternation, l'état de choc. Les parents des victimes ainsi que les habitants de cette ville du Caucase russe n'arrivent toujours pas à comprendre pourquoi un tel génocide et comment cela a-t-il pu advenir dans un pays pourtant fortement policé. Les familles des victimes ont émis le vœu de créer une commission indépendante qui pourrait assister aux travaux de la commission d'enquête officielle. Cette commission non gouvernementale demanderait, notamment à connaître la transcription des pourparlers avec les preneurs d'otages afin de savoir quelles étaient leurs revendications, une information qui n'a fait l'objet que de fuites fragmentaires jusqu'à présent. Pour enterrer ses morts, 335 dont 155 écoliers, la ville a dû ouvrir un cimetière à la va-vite dans un champ. Les écoles sont restées fermées jusqu'à nouvel ordre et la plupart des enfants refusent de retourner à l'école. Le bilan officiel de cette prise d'otages, menée par un commando prochétchène, est désormais de 335 morts et quelque 400 blessés toujours hospitalisés. Il pourrait encore s'alourdir, près de 200 personnes étant portées disparues. Les corps de 31 des ravisseurs ont en outre été retrouvés, et un membre du commando a été arrêté, les télévisions russes diffusent en boucle ses images : un jeune homme aux traits caucasiens, au regard hagard, mains menottées, encadré de deux hommes en treillis et cagoules, mais dont l'identité et l'origine n'ont pas été révélées. Selon les enquêteurs, le jeune homme est très coopératif, il a notamment donné tous les noms de guerre et de code de ses complices et raconté en détail la préparation de cette prise d'otages, la plus diabolique de l'histoire mondiale. La Russie entière était invitée à accompagner les familles dans leur douleur. L'église orthodoxe russe a organisé des cérémonies partout où elle est présente, se rendant compte de la résurgence du sentiment religieux dans l'ex-nation de Staline. Saint-Pétersbourg, la ville de Poutine, a manifesté dans le recueillement contre la terreur et, aujourd'hui, c'est au tour de Moscou. L'appel à manifester dans la capitale est diffusé sous forme d'un clip vidéo sur les chaînes gouvernementales. Tandis que les médias publics jouent sur le registre de l'émotion et du deuil, la presse écrite moscovite se montre très critique envers le pouvoir, accusé de fuir ses responsabilités. La référence à Al-Qaïda et au terrorisme international permet désormais à tous les gouvernements du monde de ne pas assumer leur responsabilité pour la mort de leurs citoyens, déplorait le quotidien économique Kommersant. Revenant sur le chaos total lors du dénouement de l'opération, des journaux moscovites se demandent qui a véritablement dirigé les opérations durant la prise d'otages. Tout le monde et n'importe qui dirigeait l'opération à Beslan, responsables locaux, régionaux et les forces de l'ordre, alors que la responsabilité aurait dû incomber au FSB, le Service fédéral de sécurité, souligne une source proche du Kremlin sous le couvert de l'anonymat, cité par le journal Vedomosti. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov s'est rendu de son côté en Israël, qui a offert à la Russie sa coopération en matière de lutte antiterroriste. Sharon et Poutine sont convenus de poursuivre la coopération dans les domaines de la sécurité, du renseignement et de l'humanitaire, devait indiquer la présidence du Conseil israélien. D. B.