On prête à Abdelaziz Belkhadem une franche opposition à la mouture gouvernementale du projet d'amendement du code de la famille. L'adoption au pas du projet d'amendement du code de la famille par l'APN constituera à coup sûr un vrai test politique pour le gouvernement Ouyahia et par extension pour le président de la République. Comme il fallait bien s'y attendre, la famille islamiste trop longtemps divisée se ressoude et se serre les coudes dans ce qui s'apparente à un front de refus du néo-code de la famille. Le MRN de Djaballah et le MSP de Soltani qui se regardaient jadis en chiens de faïence s'unissent subitement contre le pire : l'adoption du texte. Abdallah Djaballah a donné mardi dernier le ton via une conférence de presse “exceptionnelle” durant laquelle il a lancé un appel du pied à ses frères ennemis du MSP pour rejoindre la protesta contre le gouvernement histoire de “se laver de leur péché”. Du blocage des amendements proposés par Ouyahia, Djaballah en faitquasiment une mission divine à laquelle doit se souscrire tout islamiste convaincu. Abou Djerra Soltani, lui, a déjà faussé compagnie à la troïka au pouvoir prêchant que le code de la famille “dépasse le cadre de l'alliance présidentielle”. Autrement dit, il n'est pas question pour le MSP de sacrifier une mission “sacerdotale” de défense de “l'islam agressé” pour l'observance d'une discipline gouvernementale, du reste, théorique. Soltani joue donc la vierge effarouchée au sein de la coalition et Djaballah joue également son rôle d'opposant irréductible à la démarche du pouvoir de Bouteflika. Les deux se rejoignent dans la finalité qui consiste à tout entreprendre pour faire capoter le projet de code de la famille qui est, il ne faut pas l'oublier, celui de Bouteflika. De fait, la façade d'un bloc soudé que projettent les partenaires de la coalition gouvernementale se révèle tellement fragile qu'elle met à nu les contradictions entre des visions de société qui s'exclut mutuellement. L'équation de l'amendement de ce code de la famille se complique un peu plus avec l'opposition farouche qu'on prête à Belkhadem dont les accointances avec le courant islamiste n'ont jamais été démenties. Des sources informées confient en effet, que le redresseur en chef du FLN serait clairement déclaré contre certaines propositions d'amendement contenues dans la mouture gouvernementale. Et connaissant le poids de Abdelaziz Belkhadem au sein du FLN “redressé”, il est aisé de deviner que Ouyahia jouera très serré lors du prochain Conseil des ministres mais surtout face à un bloc soudé de députés islamistes et ceux du FLN qui suivraient une éventuelle consigne de vote négatif de Belkhadem. Ceci, d'autant plus que le forum parlementaire que Djaballah prévoit d'organiser au sein de l'APN pour sensibiliser les députés de ne pas adopter le texte risque de gagner des fidèles qui pousseront Ouyahia à mettre de l'eau dans son vin et revoir sa copie. En tout état de cause, ce bruit assourdissant fait autour de ce projet qui a tant souffert de l'usage politicien par le passé est quelque part étonnant. Etonnant dans la mesure où les adversaires du projet Bouteflikien occupent le haut du pavé pendant que Ouyahia et, curieusement, Bensalah, se sont chargés de la riposte. C'est que, en dehors du RND, les décideurs et les concepteurs du projet ne semblent pas s'inquiéter outre mesure du sort réservé au texte. Y a-t- il donc un deal quelque part qui se traduirait par la répartition des tâches entre ceux qui doivent défendre le projet et ceux qui vont le dénoncer au sein même du gouvernement et donner ainsi l'occasion à Bouteflika de trancher la pomme de discorde en dernière instance ? L'hypothèse, aussi invraisemblable qu'elle paraît n'en est moins exclue. Le président de la République qui a toujours valsé entre les islamistes et l'autre camp démocrate peut être encore une fois appelé à arbitrer un conflit qu'il a lui-même provoqué. L'issue dépendra bien sûr de sa volonté de ne pas céder au chantage des uns et des autres, fort qu'il est de sa grande légitimité. H. M.