Les forces rétrogrades ont occupé ces derniers jours la scène politique pour dénoncer le projet d'amendement du code de la famille entériné récemment par le Conseil de gouvernement. Visiblement, ces forces regroupées autour des partis islamistes El Islah, le MSP et une partie du FLN, se sont réparties les tâches pour mieux organiser le blocage de ces amendements avant même leur prise en charge par le Conseil des ministres. Pour y arriver, un groupe de travail constitué de juristes, d'avocats et de théologiens a été rapidement mis en place durant le mois d'août pour proposer un projet de texte qui va à l'opposé des luttes du mouvement féminin contre les discriminations en matière de droits entre les hommes et les femmes, notamment à travers les questions de divorce, de tutelle, de polygamie et d'héritage. Plans d'action Ce groupe de « réflexion » devra finaliser ce projet avant que celui du gouvernement n'arrive sur le bureau de la commission juridique de l'APN. Des sources bien informées affirment que les initiateurs de cette démarche ont axé leur action sur plusieurs plans. L'un d'eux est médiatique, et ce, à travers les sorties publiques des leaders islamistes du MSP et d'El Islah. Mardi dernier, Abdallah Djaballah, qualifiant le projet d'amendement de « danger pour la femme et la société », a clairement reconnu que « la bataille est vieille et le dernier bastion restant à défendre est le code ». Djaballah avait, à titre de rappel, focalisé une bonne partie de sa campagne électorale présidentielle du 8 avril dernier sur la question de la femme et du code de la famille. A travers ses 120 meetings, il n'a cessé d'affirmer qu'il fera barrage à ceux qui militent pour l'abrogation du code de la famille, qualifié d'ailleurs de « militants de l'occidentalisation ». Il avait rejeté toute forme de révision, notamment celle qui touche aux articles inspirés de la charia. « Ce que Dieu a décidé ne peut être remis en cause par les hommes (...) Le courant des laïcs et les partisans de la France veulent occidentaliser l'Algérie à travers la cellule familiale... », a-t-il soutenu. Djaballah a estimé lors de sa conférence de presse que si ce projet d'amendement arrive sur le bureau de l'APN, il « passera comme une lettre à la poste ». Pour cela, il a annoncé la préparation de plusieurs actions sur le terrain pour le bloquer au niveau du Conseil des ministres. De quelle manière ? Probablement en faisant joindre à ses efforts ses frères ennemis du MSP, d'autant que Bouguerra Soltani, et en dépit du soutien de son parti au programme électoral de Bouteflika, n'a pas hésité à déclarer la guerre à ce projet d'amendement, lequel, faut-il le préciser, a été entériné par le Conseil de gouvernement dont plusieurs ministres font partie de sa formation politique. Bouguerra Soltani n'a pas manqué, pour sa part, de dénoncer cette révision lors de ses nombreuses sorties publiques durant cet été. Ainsi, le 16 août dernier, il avait affirmé au cours d'une conférence de presse animée à Aïn Témouchent au sujet de la révision du code qu'elle « relève de la ligne rouge à ne pas franchir », allant jusqu'à menacer de se « révolter » au cas où le projet de texte passera. Il a longuement parlé du respect des us et des coutumes de la famille algérienne, notant à chaque fois son refus de conditionner la polygamie ou d'abolir la nécessité d'un tuteur pour la femme lors du contrat de mariage. La question qui reste néanmoins posée est celle de savoir si il existe une réelle volonté politique pour réparer une injustice longtemps décriée dont les conséquences ont fait des ravages au sein de la cellule familiale. « Graves dérives » Un constat confirmé en 2002 par Ahmed Ouyahia, alors ministre de la Justice, à l'issue de l'installation de la commission de réforme du code de la famille. « Ce texte comporte des dispositions qui ont provoqué de graves dérives au sein de la structure familiale. Leur révision est une nécessité urgente », avait-il déclaré en affirmant au passage que celle-ci (révision) se fera en attendant le retour « au statut du personnel qui remplacera le code de la famille ». Les travaux de cette commission n'ont jamais été rendus publics. Son successeur, Mohamed Chorfi, a préféré installer une autre commission, parallèle à celle instituée par Boutheina Cheriet, ministre délégué chargée de la Famille. Les conclusions de ces deux groupes de travail sont restées lettres mortes. L'actuel ministre de la Justice a, pour sa part, installé une quatrième commission, qui a rendu les premiers résultats de son expertise, sur la base de laquelle le projet d'amendement déposé sur le bureau du gouvernement a été arrêté au début du mois d'août dernier. A signaler qu'un projet de 22 amendements du code de la famille a été élaboré vers la fin des années 1990lors des ateliers organisés par l'ancienne ministre de la Solidarité, Rabéa Mechernène, et auquels ont participé plusieurs associations féminines. Depuis le départ de l'ex-président Liamine Zeroual, les pouvoirs publics ont mis ce projet au placard sans aucun motif.