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Abdelmadjid merdaci-le sociologue se prononse sur la révision du code de la famille Code de la famille
« La société a changé, les lois doivent suivre »
Abdelmadjid Merdaci, docteur d'Etat en sociologie, est enseignant-chercheur à l'université des Frères Mentouri de Constantine et écrivain. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le Mouvement national algérien, la musique algérienne et l'histoire de la ville de Constantine. Son dernier livre, publié chez Topoïs Simoun en avril 2004, s'intitule La fonction présidentielle en Algérie. Le gouvernement a pris l'initiative de proposer un certain nombre d'amendements au code de la famille. Comment appréciez-vous cette initiative ? Cela appelle une première observation : hors de toute considération politique ou idéologique, il convient de relever que l'actuelle loi date de 1984 et le moins que l'on puisse souligner c'est qu'en deux décennies, la société algérienne a profondément changé. Au seul plan démographique, si l'on se reportait aux dernières estimations qui situent la population algérienne dans l'ordre de 32 millions, c'est formellement 10 millions de plus que lors du recensement de 1987 et nul doute que la tendance vérifiée en 1998 d'un rééquilibrage dans la distribution sexuelle des populations quelque 14,7 millions d'hommes pour 14,4 millions de femmes a pu s'amplifier. On en est aujourd'hui aux recherches sur la féminisation de corps de métiers significatifs : ceux de l'enseignement, de la médecine, de la communication, et il faut insister, sur ce plan, sur la fonction éminente de l'école dans l'affirmation des femmes algériennes dans l'espace public. Il suffit de regarder la distribution sexuelle des effectifs estudiantins dans nos universités pour prendre la mesure de la profondeur de mutations une claire tendance à la féminisation qui diffusent sur l'ensemble des catégories sociales et du territoire national. Ce qui voudrait dire... De ce point de vue, l'action publique peut paraître en décalage sur les évolutions de la société ; et même en considérant que la question du statut personnel à laquelle renvoient les polémiques sur le code a pu être un marqueur d'un irrédentisme musulman en situation coloniale, il n'échappera à personne que la situation n'est plus la même. Le débat, quant au fond, ne saurait être que celui des libertés collectives et individuelles. Pour en revenir au contexte dans lequel se développe l'action publique, comment ne pas avoir aussi à l'esprit le poids de l'environnement international, notamment les échéances à tous égards décisives de l'intégration à l'OMC et surtout de l'accord d'association avec l'Union européenne. L'adoption par le gouvernement d'un projet d'amendement du code de la famille a suscité, presque spontanément, une réaction de rejet de la part du Mouvement El Islah et du MSP. Comment expliquez-vous cette attitude ? Que pensez-vous des arguments sur lesquels ces deux partis fondent leur opposition à ce projet d'amendement ? Fondamentalement, il est difficile de rapporter les positions des islamistes algériens sur le code et plus largement sur le statut des femmes dans la société aux seules expressions soft d'une opposition politique et ceux qui relèvent aujourd'hui les passerelles entre le MSP et El Islah ne devraient pas faire l'économie du rappel à la mémoire de la sauvagerie à laquelle ont été soumises les femmes algériennes assassinées, violées, terrorisées au nom de l'islam et de fatwas. Depuis 1984, il n'y a pas que les données démographiques qui ont changé, et à bien considérer ceux qui se prévalent de l'islam comme précarré on continue à fabriquer, en son nom, ministres et députés devraient avoir comme obligation prioritaire un devoir de repentance tant vis-à-vis des valeurs humanistes de l'Islam que vis-à-vis de la nation. Quant au reste, je suis de ceux qui pensent que les islamistes posent, sous des couverts multiples, la seule question qui intéresse les catégories sociales qu'ils représentent en partie, celle de la répartition de la rente et des attributs du pouvoir. Ils exercent sans surprise leur pouvoir de négociation et, en sus, ils offrent aux gestionnaires du système politique l'avantage d'une victoire arrachée contre un ersatz d'obscurantisme. Mis à part les réactions du MSP et de El Islah, les démocrates et les acteurs de la société civile qui ont pourtant fait de la révision du code de la famille leur principal credo tardent à se manifester. Comment expliquez-vous leur frilosité actuelle ? Faut-il s'inquiéter d'une absence de débat sur la question et du fait que seuls l'Exécutif, la presse, le Parti des travailleurs et le MDS sont les seuls à soutenir le changement ? Qu'est-ce qui doit prêter à inquiétude ? La frilosité de la société civile ? Laquelle, celle d'anciens servants du système recyclés dans une opposition d'attente ou celle des milliers d'associations plus ou moins stipendiées et contrôlées par l'administration ? Au début des années quatre-vingt-dix, il y avait une vingtaine d'associations féminines rassemblées en coordination qui participaient de manière active, contradictoire aux enjeux de société. Il serait cruel de souligner ce qu'il en est advenu. En vérité, on peut s'interroger aussi sur le désir prégnant de prêter de manière entêtante un monopole du cœur et du progrès à un courant démocratique introuvable sur le terrain des difficultés et des confrontations quotidiennes. Quel est, selon vous, le problème posé par l'actuelle représentation politique ? Cette construction sécante entre le bien et le mal dans les jardins algériens est surtout commode mais fait quelque part l'impasse sur la question décisive de l'enracinement de la culture et des pratiques démocratiques dans la société. En cette veille de la commémoration du cinquantenaire du 1er Novembre, il peut paraître archaïque de rappeler que les libertés figuraient en toutes lettres dans la proclamation du 1er Novembre. Sur un autre registre, l'école réputée trop vite sinistrée dont les retards et les échecs demandent encore à être établis a paradoxalement plus fait pour la présence des femmes dans l'espace public que les féminismes nationaux. Vous notez par ailleurs, avec raison, la sécheresse du débat public et cela, à bien y voir, concerne, au-delà de toute querelle de conjoncture, la quadrature du cercle algérien : la double impuissance du système politique en place à conduire un amendement démocratique de son fonctionnement et de la société à générer des formes d'action et de réflexion susceptibles de proposer une alternative fondée sur les valeurs démocratiques. A propos de débat, pensez-vous que les changements introduits dans le code de la famille sont de nature à poser des rapports plus équilibrés entre les femmes et les hommes et à permettre, surtout, une meilleure évolution de la femme dans la société et sur la scène publique ? Estimez-vous que la question du mariage, par exemple, a été prise par le bon bout, sachant que le droit coutumier garde une place prépondérante dans la société ? Le code sera amendé sans coup férir et chacun tiendra son rôle dans la scène publique. La question n'est-elle pas un peu ailleurs ? Dans le délitement du lien familial, dans un taux de divortialité important, dans les mutations des conduites sexuelles des acteurs notamment juvéniles, dont la banalisation de la prostitution, y compris masculine, est l'un des aspects prégnants ? Sur quelle matière légiférer alors ? En somme, l'équilibre à préserver, sous le couvert d'un débat sur des amendements, est d'abord celui des hypocrisies et à bien y regarder est-ce bien sur le fameux article 2 de la Constitution qu'il faudra s'arrêter le jour venu d'une révision annoncée de la loi fondamentale de l'Etat. Il s'agira alors de préciser s'il vise à protéger l'Islam de toute tentative d'instrumentation ou s'il ouvre droit à un imprimatur religieux des lois adoptées par le Parlement.