Depuis l'annonce du kidnapping de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot par un groupe armé islamiste appartenant à la résistance irakienne, le monde arabo-musulman est mobilisé pour obtenir leur libération. Que ce soient les responsables “intégrés et assimilés” de la communauté musulmane française, les dirigeants salafistes irakiens qui ont émis dimanche dernier une fetwa (loi religieuse), en passant par l'imam Youssef Karadaoui, ou encore les mouvements palestinien Hamas et libanais Hizbollah, les musulmans du monde entier ont, une fois n'est pas coutume, parlé d'une seule et même voix : les deux journalistes français doivent être libérés. Sans conditions et le plus rapidement possible ! Depuis le début de la guerre en Irak, c'est la première fois qu'une telle mobilisation en faveur d'une libération d'otages occidentaux est observée. Ce mouvement implique des personnalités et des mouvements qui ne peuvent être suspectés de complaisance à l'égard de l'Occident. Les mêmes acteurs, qui montent aujourd'hui au créneau pour défendre Georges Malbrunot et Christian Chesnot, se murent dans un silence condamnable lorsqu'il s'agissait de défendre les autres otages, occidentaux ou non, détenus puis exécutés par des mouvements irakiens, dont le plus célèbre d'entre eux est sans doute le journaliste italien Enzo Baldoni, grand défenseur de la cause de la paix, sauvagement exécuté le 27 août dernier par ses ravisseurs. Cette volte-face des “institutionnels” n'est pas le fait du hasard : elle est le fruit d'une forte mobilisation des opinions publiques arabes et musulmanes. Malgré sa vive hostilité à l'occupation de l'Irak et son indifférence aux enlèvements de ressortissants de pays membres de la coalition, la rue arabe, de Rabat à Bagdad, a pour la première fois depuis le début du conflit, manifesté une réelle révolte à l'annonce du kidnapping des deux journalistes français. Et elle l'a fait savoir. Ce qui a obligé les dirigeants politiques et religieux, y compris les plus radicaux d'entre eux, à réagir et à prendre une position claire et ferme sur la question. Pour nombre d'entre eux, il s'agissait surtout d'éviter de se couper de leur base et de se retrouver isolés. Pour les Arabes, s'attaquer aux Français est, en effet, une option difficile à comprendre. La France est donc aujourd'hui jugée avec sympathie dans tout le monde arabe pour son engagement contre la guerre en Irak et plus globalement pour sa politique en faveur de la paix au Proche-Orient. Les populations de ces pays, qui applaudissent chaque acte de résistance contre les troupes de la coalition, montrent ainsi que “l'ennemi” n'est pas, pour elles, l'Occident en général, comme tentent de l'accréditer certains discours en France et ailleurs dans le monde, mais bien “l'agresseur américain” et ses alliés. Pour gagner en crédibilité et continuer à bénéficier du soutien inconditionnel que leur apportent leurs compatriotes arabes, les résistants irakiens doivent maintenant relâcher les deux journalistes français dans les meilleurs délais et sans poser de conditions à la France. Ils devront également tôt ou tard abandonner cette tactique de l'enlèvement, notamment quand elle frappe de simples civils innocents comme les douze Népalais exécutés la semaine dernière. Sinon, ils risquent de donner raison à tous ceux qui les accusent de n'être que des terroristes barbares au service du réseau Al-Qaïda. L. G.