Faute d'arguments diplomatiques pour contrer la position de Pretoria, le royaume fait diversion. La “sortie” diplomatique du royaume chérifien, qui a poussé un énième coup de gueule contre l'Algérie, largement relayée du reste par la presse de Sa Majesté, n'est pas tout à fait surprenante. Elle dénote, cependant, d'une soudaine montée d'adrénaline chez nos voisins de l'Ouest qui ne supportent plus l'attachement indéfectible de l'Algérie à la légalité internationale dans le règlement du dossier du Sahara occidental. En l'occurrence, le ton du fameux mémorandum marocain adressé le 24 de ce mois au conseil de sécurité dégage un fort ressentiment vis-à-vis d'Alger, coupable d'avoir appelé un chat un chat, en estampillant expressément le conflit maroco-sahraoui de “problème de décolonisation”. Mais cette position déjà très connue de l'Algérie ne semble pas être le vrai détonateur. Sans le souligner officiellement, les dirigeants du royaume semblent terriblement affectés par la reconnaissance de la république sahraouie par l'Afrique du Sud. Le pays de Thabo Mbeki, qui figure parmi les géants du continent, grâce à son influence, est capable à lui seul d'entraîner dans son sillage beaucoup de pays africains pour reconnaître au front Polisario son droit inaliénable à l'autodétermination. Et cette réalité, le Maroc est loin de l'ignorer compte tenu du poids géostratégique et diplomatique de l'Afrique du Sud au sein de l'union africaine, mais aussi dans le concert des nations. Mohammed VI et ses collaborateurs savent qu'ils venaient de subir un camouflet diplomatique via la position du pays de Mandela. Et pour eux, les choses sont claires : c'est Alger qui a été derrière la reconnaissance par Pretoria de la république sahraouie. D'ailleurs, la salve de dénonciations débitée par les médias marocains a ciblé prioritairement l'Algérie. Cette campagne haineuse lève le voile sur la vulnérabilité du royaume qui voit ses certitudes sérieusement bousculées devant les exigences du droit international, mais aussi des aspirations des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le Maroc a plus que jamais peur devant le repli et le tarissement inexorable de ses soutiens traditionnels. En effet, préoccupées beaucoup plus par la lutte mondiale contre le terrorisme, les capitales occidentales, à l'image des USA et de la France, ne semblent plus vouloir servir d'escabeau à sa Majesté dans son entreprise visant à garder par la force le territoire sahraoui. Le retournement de situation au sein du gouvernement espagnol est, à cet égard, significatif. Le premier ministre, Zapatero, qui a tenté un temps de jouer dans la cour du roi contrairement à son prédécesseur, s'est vite rendu compte qu'il ne pouvait aller à contresens de la volonté de son peuple qui n'a jamais caché son soutien à la cause sahraouie. Et le fameux axe Rabat-Paris-Madrid n'a duré que le temps des visites des trois responsables en Algérie et au Maroc. Mieux encore, l'Espagne est en passe de rallier la France à sa thèse, désormais favorable au plan onusien de James Baker. Autant dire que la diplomatie marocaine se trouve en très mauvaise posture dans un contexte international où le conflit sahraoui n'emballe pas grand monde. Et les ennuis du royaume ne s'arrêteront pas là. Les observateurs s'attendent à une autre grosse “mauvaise” surprise en provenance de Lagos. Le Nigeria, dit-on, est sur le point d'emboîter le pas à l'Afrique du sud dans le cycle des reconnaissances de la république sahraouie. Et connaissant l'influence de ce pays pétrolier au sein de l'UA, avec l'Afrique du Sud et l'Algérie, il est loisible de deviner la position très inconfortable du Maroc. C'est, en effet, une perspective qui effraye au plus haut point Rabat qui voit ses thèses battues en brèche en Afrique et au sein du conseil de sécurité. Ce pays aura du mal à défendre le bien-fondé de sa position face une prise de conscience internationale de plus en plus accrue. Et pour dénoncer ce tableau sombre qui pointe à l'horizon, il fallait bien trouver un bouc émissaire pour noyer son chagrin. L'Algérie est bien sûr la cible privilégiée. H. M.