Autorisée par Ariel Sharon, une opération militaire d'envergure menée par une centaine de chars dans la bande de Gaza a donné lieu à un face-à-face entre soldats israéliens et population palestinienne. À la recherche du moindre prétexte pour justifier les massacres de Palestiniens dans les territoires autonomes, le Chef du gouvernement israélien a ordonné un nouveau raid militaire dans le nord de Gaza, dont le bilan est très élevé, selon les estimations hospitalières. Dans la seule journée de jeudi, l'on dénombre trente-deux morts côté palestinien. Face à une population sortie crier sa colère et quelques activistes armés, les soldats israéliens n'ont pas fait de quartier, comme l'indiquent les bilans. Encore une fois, le déséquilibre est flagrant entre une armée régulière et des manifestants qui n'avaient que leur poitrine à présenter pour combattre l'armada israélienne. Cent chars dans les rues Il faut dire qu'Israël a sorti cette fois-ci les grands moyens. Cent chars appuyés par des troupes régulières d'envergure sont entrés dans le nord de la bande de Gaza au cours de la nuit de jeudi à vendredi. Lancée mardi soir, cette opération militaire a donc pris une nouvelle dimension avant-hier. Elle est jugée très importante par les officiels israéliens. Jeudi, le porte-parole du gouvernement Sharon, Pavi Azner, n'a pas limité dans le temps la durée de ce raid. L'argument avancé pour se justifier est de mettre fin aux tirs de roquettes Sdérot contre certaines régions israéliennes. Dans le but de donner davantage de consistance à cette opération baptisée “Jours de repentir”, Ariel Sharon est intervenu personnellement jeudi soir pour encourager ses soldats à “prendre l'initiative” et à étendre leurs actions. Il leur a ordonné de faire preuve “d'agressivité continue”. Les instructions du Premier ministre sont transmises aux soldats par le biais de l'état-major, à la suite d'une réunion tenue dans la soirée de jeudi. Un responsable du ministère de la défense israélien n'a pas exclu l'éventualité de réoccuper “temporairement” des portions de terrain dans la bande de Gaza. “Nous avons l'intention de faire payer aux Palestiniens un prix élevé”, a ajouté la même source. Ces affirmations sont confirmées par le ministre israélien de la défense, le général Shaul Mofaz, qui a déclaré que “c'est une opération qui prendra du temps”. Enième massacre Aux trente-deux Palestiniens assassinés dans la seule journée de jeudi, s'ajouteront sept autres dans la matinée d'hier. Depuis le lancement de ce raid militaire mardi soir, les sources hospitalières estiment à quarante-cinq le nombre de Palestiniens tombés sous les balles israéliennes. Les directeurs des deux grands hôpitaux de la bande de Gaza ont indiqué avoir reçu vingt-huit corps jeudi. L'armée israélienne détient encore quatre cadavres qu'elle affirme être “les corps de quatre terroristes palestiniens”. Ce jeudi restera une des plus sanglantes journées de l'Intifadha palestinienne déclenchée en septembre 2000, à la suite de la provocante visite d'Ariel Sharon sur l'esplanade des mosquées de Jérusalem. Depuis, les violences ont fait 4 322 morts, dont 3 369 Palestiniens et 953 Israéliens. Tel-Aviv, plus provocante que jamais, multiplie les raids militaires dans les territoires autonomes pour pousser les Palestiniens à recourir à la violence en réponse à ses exactions et autres boucheries. Silence, Sharon assassine ! En réaction à ce massacre de plus, l'on enregistre de rares condamnations sans suite à l'image de celle de l'Elysée. Paris s'est contenté de “signaler que le recours à la violence n'est pas une solution” pour dénoncer cette énième boucherie, sans oublier, bien sûr, de reconnaître le droit à Israël de se défendre. Les autres capitales mondiales n'ont pas jugé utile de réagir. C'est un soutien tacite à la politique de répression à outrance que mène Ariel Sharon contre les Palestiniens, sans distinction entre civils et activistes armés. Le silence radio est également observé dans le monde arabe, unique soutien attendu par les Palestiniens, qui mènent depuis un combat déséquilibré contre un ennemi bénéficiant de la complicité et surtout de l'aide militaire de l'Occident. Le Chef du gouvernement israélien peut assassiner en toute quiétude ; hormis quelques condamnations pour la forme, la communauté internationale a prit goût à ses massacres devenus réguliers. Les Palestiniens ne peuvent compter que sur eux-mêmes s'ils veulent arracher leurs droits à Israël. La meilleure preuve est la substitution du plan de séparation des territoires autonomes prôné par Ariel Sharon à la “feuille de route” du quartette international, sans que personne trouve à redire. Pis, l'on essaye de trouver la parade pour donner plus de crédibilité et de force à la proposition israélienne. C'est dire l'importance du déséquilibre caractérisant les prises de position quand il s'agit d'Israël ou de la Palestine. Quant à Yasser Arafat, otage officiel d'Ariel Sharon, plus personne ne s'en inquiète. Washington, l'éternel appui d'Israël Comme il fallait s'y attendre, Washington a conforté Sharon dans son œuvre macabre, à travers le propos de Colin Powell tenu jeudi. Dans un réquisitoire contre l'Intifadha, le secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères a appelé les Palestiniens à mettre un terme à ce soulèvement, déclenché il y a quatre ans, lors d'un entretien accordé à la chaîne qatarie Al Jazira. “Qu'est-ce que l'Intifadha, qui entre dans sa quatrième année, a apporté au peuple palestinien ?” s'est interrogé Powell, avant d'ajouter : “ll est temps d'arrêter l'Intifadha.” Quant à la question de la création d'un Etat palestinien, le chef de la diplomatie américaine dira : “Le président des Etats-Unis insiste sur l'établissement d'un Etat pour le peuple palestinien (…), mais ceci ne peut être réalisé qu'après l'arrêt du terrorisme.” Faisant preuve d'une grande sévérité vis-à-vis des Palestiniens, il ajoutera que “l'Intifadha a contribué à l'expansion du terrorisme. Elle n'a rien réalisé durant toutes ces années. Elle a seu- lement contribué à la détérioration de la situation économique des Palestiniens”. Il imputera à l'Intifadha les retards dans “les plans de paix” conçus par les Américains. K. A.