Le ministre français de l'Intérieur exposera à ses interlocuteurs les lignes de son plan de lutte contre les groupes armés et leur financement. Le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, arrivera, demain, à Alger, pour une visite de travail de deux jours qui sera consacrée notamment aux questions du terrorisme. L'objet de la visite a été rendu public par le ministère dans un communiqué. Le successeur de Sarkozy, qui n'est pas aussi populaire que son prédécesseur, mais qui jouit d'une énorme sympathie, y compris dans les milieux de la gauche, sera reçu par le président Abdelaziz Bouteflika ainsi que par le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia et s'entretiendra avec son homologue Yazid Zerhouni. Les sujets abordés seront liés à la coopération bilatérale, notamment les questions de terrorisme, la circulation des personnes et la lutte contre la criminalité organisée. Le ministre français doit ensuite se rendre à Constantine pour rencontrer les autorités locales, et se rendra à la mosquée Emir-Abdelkader. Si cette visite confirme la normalisation des relations entre la France et l'Algérie depuis la réélection de Bouteflika en avril dernier, elle dépasse toutefois le cadre bilatéral pour s'inscrire à l'échelle du Maghreb. En effet, précise le communiqué publié par les services de la place Beauveau, ce déplacement “intervient dans le cadre des contacts étroits et permanents entretenus avec les pays du Maghreb qui conduiront le ministre à se rendre également en Tunisie dans les prochaines semaines après s'être rendu au Maroc en septembre dernier”. Au Maroc où il s'était rendu les 13 et 14 septembre, M. de Villepin avait conclu à la nécessité de renforcer leur coopération pour lutter contre le terrorisme, le trafic de drogue et l'immigration clandestine. À l'occasion de sa viste à Fès, le ministre français avait annoncé la création d'un “pôle franco-marocain” de renseignement, dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Des officiers de liaison devraient être échangés avec le Maroc pour assurer la coordination des actions dans ce domaine, avait-il conclu avec son homologue Mostafa Sahel. Evoquant le terrorisme, il a souligné que cette “menace qui n'épargne personne” doit être combattue en prenant pleinement en compte “le terreau sur lequel elle se développe”. L'arrivée de M. de Villepin à Alger coïncide opportunément avec un attentat qui a visé vendredi l'ambassade d'Indonésie à Paris. L'attentat, qui a fait une dizaine de blessés légers, a rappelé à la France la vague sanglante de 1995 par les moyens utilisés exactement similaires à ceux du GIA. Au demeurant, l'explosion a été revendiquée par un groupe inconnu qui demande la libération de deux ex-activistes du GIA condamnés par la cour d'assises de Paris. S'il n'y a pas de lien direct entre l'explosion et la visite de M. de Villepin, le ministre français exposera certainement les lignes d'un plan en préparation pour lutter contre le terrorisme islamiste. Le plan, qui passe notamment par le renforcement des moyens technologiques, prévoit également de s'en prendre au mode de financement du terrorisme islamiste avec, en particulier, un rapprochement entre les services de police et Tracfin, la cellule de veille financière du ministère de l'Economie et des Finances. Ainsi, un fonctionnaire de la Direction de la surveillance du territoire (DST, le contre-espionnage français), devrait être en permanence affecté auprès des spécialistes de Tracfin. Le ministre français de l'Intérieur veut aussi renforcer les différents moyens technologiques (écoute, surveillance) des services antiterroristes. Dans ce domaine, “je souhaite que la France soit à la tête d'une véritable révolution (des) procédés, afin d'améliorer (ses) capacités d'interception et de réduire les délais entre information et interprétation”, avait-il souligné dès le 12 juillet dernier en s'exprimant sur la lutte contre le terrorisme à l'université Complutens de Madrid. À cet égard, son plan prévoit que les moyens technologiques des différents services de renseignement puissent être mutualisés. Ainsi, déjà, une équipe conjointe DST-DGSE (Direction générale de la surveillance extérieure, relevant du ministère de la Défense) a été constituée. En matière de lutte antiterroriste, M. de Villepin s'est jusque-là montré intraitable même s'il a fallu écorner son image de fin diplomate. Pour preuve, les imams qui ont été expulsés de France en raison de leurs propos et dont le plus connu est celui de Vénissieux (Lyon), Abdelkader Bouziane, expulsé la semaine dernière vers Oran au terme d'un marathon juridique de quelques mois. “Ma détermination comme celle de tout le gouvernement à lutter contre l'islamisme radical est entière. Il s'agit, en effet, à la fois d'une menace contre la sécurité de nos ressortissants, de nos concitoyens, et il s'agit aussi d'un obstacle à l'affirmation d'un islam serein en France s'inscrivant dans la République”, a-t-il récemment estimé devant les députés qui l'interrogeaient sur le cas de l'imam Bouziane. Autre signe de son intransigeance à l'égard des islamistes radicaux, sa désapprobation de la visite rendue le mois dernier à Abassi Madani par le président de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), Mohamed Bechari. La visite était tout simplement “inopportune”, avait estimé M. de Villepin. Y. K.