Le chef de l'Etat a confirmé tout le malaise du secteur, identifiant les fêlures et proposant un arsenal de remèdes urgents. L'allocution prononcée, hier, par le président de la République, au siège de la Cour suprême, à l'ouverture de l'année judiciaire (2004-2005), aura été un constat lisible et dur de la réalité judiciaire dans le pays. “Lenteur”, “insuffisance d'encadrement”, “corruption”, “manque de compétence”, “inadéquation des textes”, “manque de formation”, la litanie des failles est aussi réaliste qu'impressionnante. En l'occurrence, M. Abdelaziz Bouteflika a confirmé le gros malaise qui ronge la justice, constat souvent rejeté par le discours officiel de l'Etat et de ses gouvernements successifs, y compris, bien entendu, ceux de l'actuel premier magistrat du pays. La roue universelle tourne, il faut donc s'y accrocher. On cherche ainsi à mettre en place les mécanismes d'une “justice bien organisée, correctement rendue par des magistrats intègres et compétents” afin de “participer à la restauration de l'Etat dans la plénitude de ses misions et de son autorité”. Pour être à la hauteur, l'institution doit aussi avoir “de bons textes de lois”. Car celle-ci est “lente” et souffre d'un “déficit en magistrats (…) ce qui est en grande partie dû à un déséquilibre entre le nombre de cas à traiter et les moyens humains dont elle dispose”. En 2009, l'Etat prévoit de doubler ses effectifs en magistrats. “Le système de formation, a dit le président, doit opter pour la spécialisation des magistrats dans différents domaines (droits pénal, civil, foncier, commercial, bancaire, maritime, aérien, douanier, social, international, etc.”). Ce système devra, en conséquence, faire appel à la compétence étrangère. Dans le même temps, la justice, confrontée à “une question importante, celle de l'application des lois”, peut “légitimement s'interroger quant à l'intérêt qu'auront les justiciables à introduire des recours dont ils ne verront l'aboutissement que plusieurs années plus tard”. Le chef de l'Etat cite l'exemple de la Cour suprême dont les “pourvois en cassation interjetés sont jugés souvent plusieurs années après qu'ils eurent été soumis”. En parallèle, le “Conseil supérieur de la magistrature devra élaborer un code de déontologie du magistrat, étant entendu que la conscience professionnelle, l'intégrité, la loyauté et l'éthique constituent également des principes fondamentaux pour l'exercice de la profession”. Il est aussi confirmé la réorganisation des métiers auxiliaires (notaires, huissiers, commissaires-priseurs, etc.) annoncée récemment par le garde des Sceaux à l'Assemblée, “le bon fonctionnement de la justice exige un certain niveau de compétence ainsi qu'une formation régulière obligatoire”. Enfin, le chef de l'Etat a indiqué, à propos des établissements pénitentiaires, que la “prison ne doit pas favoriser la récidive ni demeurer sans impact sur le côté déviant ou asocial (…). Il faut avant tout aider les détenus à se réinsérer dans la société”. Pour encourager cette réforme, l'Etat va augmenter, pour 2005, de 15%, ses crédits de fonctionnement, et de manière “non moins appréciable”, ceux de l'équipement destinés à la justice. L. B.