En leur tenant un discours fortement moralisateur, le président Bouteflika a montré qu'il n'a pas du tout révisé son opinion sur les parlementaires. L'Assemblée nationale s'est faite, hier, belle et solennelle pour recevoir un invité de marque : le président de la République. Le président de la Chambre basse, Amar Saâdani, visiblement heureux d'avoir réussi la prouesse de recevoir le chef de l'Etat dans l'enceinte de son institution, se confondait en des formules de bienvenue et en louanges exagérées. Il a salué ostensiblement “l'intérêt qu'il (le président de la République) témoigne à l'instance législative afin qu'elle soit à la hauteur des défis et enjeux à travers sa contribution dans toutes les questions nationales d'actualité”. Une fois n'est pas coutume. Les députés, qui avaient pris l'habitude de n'accorder qu'un intérêt secondaire aux travaux en plénière — quelle que soit l'importance du projet de loi en débat — étaient tous là, à écouter religieusement le discours de leur prestigieux hôte. Pourtant, le président Bouteflika ne tardera pas à remettre les pendules à l'heure. “Je suis conscient de l'importance que revêt ma présence dans cette institution constitutionnelle. Mais ce qui nous lie aujourd'hui est l'hommage que nous rendons à un homme, qui a beaucoup donné à la Révolution (Rabah Bitat, en l'occurrence, ndlr) et la commémoration du 50e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale”. Par cette mise au point, répétée par deux fois, le premier magistrat du pays n'a laissé aucune latitude aux parlementaires de récupérer à leur avantage sa décision d'accepter l'invitation du président de l'institution parlementaire. Il n'a pas condescendu à faire le déplacement à l'hémicycle Zighout Youcef pour réhabiliter la réputation vacillante de l'Assemblée populaire, mais uniquement pour exprimer un hommage appuyé à feu Rabah Bitat, qu'il a connu en 1961. Il a voulu surtout témoigner de sa reconnaissance à l'ancien président de l'APN, qui figurait parmi les rares hauts responsables de l'Etat qui l'ont soutenu à leur manière, lors de sa descente aux enfers après le décès, en décembre 1978, du président Houari Boumediene. “Nous étions proches aussi bien dans les moments heureux que difficiles”, a révélé Abdelaziz Bouteflika, dans une furtive allusion à une période sombre de sa carrière politique et certainement de sa vie. Pendant plus d'une demi-heure, le chef de l'Etat a égrené le “parcours glorieux” de Rabah Bitat, de son engagement sans faille dans la Révolution algérienne à sa démission de l'APN, en 1990, pour marquer son opposition à la manière dont les réformes ont été engagées par Mouloud Hamrouche, alors Chef de gouvernement. Abdelaziz Bouteflika a qualifié cette décision “d'exceptionnelle et responsable”. À partir de là, il a commencé à donner une véritable leçon de sa conception de la démocratie aux députés particulièrement et à la classe politique en général. “L'un des principes fondamentaux de la démocratie est l'existence d'un Etat fort et d'institutions actives”, a-t-il commencé par dire avant d'entrer dans le vif du sujet en revenant carrément à la récente période électorale. “Ne se trompe sur ce peuple que celui qui n'a pas connu la Révolution”, a-t-il souligné, en référence au score de près de 85% qu'il a obtenu à l'issue de l'élection présidentielle du 8 avril dernier, alors que trois de ses adversaires dans la course électorale — particulièrement Ali Benflis — pariaient sur son échec. C'est alors qu'il s'est attaqué, sans en avoir l'air, aux membres de l'APN, majoritairement élus du FLN. Il leur a reproché particulièrement de s'être écartés considérablement de la mission parlementaire, pour servir les ambitions politiques de leur parti. “Les institutions doivent rester fidèles au peuple qu'elles représentent”, a-t-il dit, moralisateur. Poussant encore plus loin sa critique, sur ce qu'il a considéré manifestement comme des comportements irresponsables, il a lancé qu'il “n'est pas possible de sauter de l'école primaire à l'université”. Les députés ont-ils réellement compris le sens du discours du président de la République ? Rien n'est moins sûr. Le code de la famille sera révisé L'avant-projet de révision du code de la famille prendra bel et bien une forme concrète, après son passage au Conseil des ministres, puis au Parlement, n'en déplaise à ses pourfendeurs, les islamistes en premier lieu et les conservateurs de tous bords. C'est ce qu'a clairement affirmé le chef de l'Etat, hier, à l'Assemblée nationale. “Les réformes, engagées par l'Etat et à leur tête celle inhérente à la famille, seront menées à terme”, a-t-il déclaré fermement. L'assistance s'est levée pour l'applaudir longuement. Ce qui augure d'une adoption, sans grande peine, du projet du gouvernement, à l'issue de son passage par les deux Chambres parlementaires. “Accélérer les réformes est dans l'intérêt de tous, car elles sont dictées par des exigences venant de l'intérieur du pays, mais aussi de l'extérieur. Nous ne pouvons nous permettre de vivre en vase clos”. S. H.