Après la liquidation des chefs du Hamas, la disparition d'Arafat est-elle de nature à débloquer la situation au Proche-Orient ? La mort clinique de Yasser Arafat intervient dans un contexte international marqué par la réélection, mardi dernier, de George W. Bush à la tête des Etats-Unis. Elle intervient aussi dans un état de grande confusion au Proche-Orient, où le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, poursuit sa politique de colonisation, aggrave l'enclavement des territoires palestiniens et poursuit son offensive militaire sur tous les sites suspectés d'abriter des éléments ou des forces de résistance. Le décès du président de l'Autorité palestinien serait un aboutissement moral de grand symbole pour Sharon. Belliciste incorrigible, le boucher de Sabra et Shatila a déjà à son actif l'élimination physique des deux chefs de la faction islamiste armée Hamas, en l'occurrence Ahmed Yassine, tué le 22 mars 2004, à Ghaza, lorsque sa voiture a été pulvérisée par des missiles tirés par des hélicoptères de combat israéliens, et Abdelaziz Rantissi — son successeur — assassiné le 17 avril dernier de la même manière. Arafat, lui-même, aurait pu trouver la mort dans les incursions provocatrices des chars de l'armée d'Israël dans sa Mouqataâ de Ramallah, souvent encerclée et qui demeure en total isolement depuis décembre 2001. Ariel Sharon, à l'origine du déclenchement de la seconde Intifidha, en septembre 2000, a toujours obtenu le soutien inconditionnel de l'administration américaine ; son extrémisme l'aide dans sa ferme détermination à réduire les territoires palestiniens à des mouchoirs de poche. Ainsi, la réélection de Bush est de nature à le conforter davantage. Celui-ci oppose systématiquement un droit de veto aux résolutions onusiennes jugées contraignantes vis-à-vis d'Israël, réussissant, par ailleurs, à neutraliser ses ennemis potentiels : l'Irak de Saddam Hussein n'existe plus sous sa forme ancienne, la Syrie est assiégée de menaces qui la rendent momentanément fébrile et l'Iran immobilisé par des accusations d'armement nucléaire. Globalement, le monde arabe reste sous l'emprise américaine : les monarchies du Golfe passent la majeur partie de leur temps à comptabiliser leurs recettes pétrolières, l'Arabie Saoudite étant même sur le pied de guerre suite aux multiples actions terroristes survenues à Riyadh ; l'Egypte demeure prisonnière des aides financières annuelles (américaines) et le Maghreb se ronge par ses contradictions internes. De la sorte, Sharon peut se concentrer sur le front antiterroriste. Il en a du mal, mais il peut s'y consacrer. Les groupes islamistes radicaux, partisans de la lutte armée contre l'“ennemi sioniste” jouent la même partition que le Premier ministre israélien, celle dont l'air concorde irrémédiablement avec la mise à mort du processus de paix. Un processus symbolisé par les accords d'Oslo I et II, et enterré depuis 2000. La reconnaissance mutuelle des deux Etats, formalisée par la poignée de main historique, le 13 septembre 1993, entre Yasser Arafat et Yitshak Rabin, à la Maison-Blanche, aura été le seul véritable acquis. L'autonomie palestinienne, inscrite sur papier, se réduit comme une peau de chagrin ; les trois questions fondamentales du processus — le retour des réfugiés, l'éradication des colonies juives et le partage de Jérusalem en deux capitales — butent sur un refus israélien obstiné. L. B.