Pour la seconde nuit consécutive, des dizaines de supporters de la cause palestinienne, brandissant le portrait du vieux leader, se sont retrouvés devant l'entrée de l'hôpital, à l'affût de la moindre nouvelle du Raïs. Reportage. La tête enroulée dans un keffieh, des bougies à la main ou à terre autour de portraits. Pour la deuxième fois consécutive, une poignée de sympathisants de Yasser Arafat a passé la nuit devant l'hôpital militaire de Clamart où le “Vieux Lion” continue d'agoniser. Veillée funéraire ? “Arafat est immortel”, affirme une femme. Le dirigeant est peut-être voué à l'éternité en raison de son prestige et de son combat contre le sionisme et pour l'édification d'un Etat palestinien. Pour les musulmans pourtant, seul Allah est éternel. Et en dépit d'un état de santé jugé “stable” par les médecins traitant, le dirigeant charismatique semblait quand même se diriger inexorablement vers sa fin une semaine après avoir quitté le QG assiégé de Ramallah pour être hospitalisé à Paris. Hier, on ne parlait plus à Paris de la mort cérébrale d'Arafat. Une affirmation un peu précipitée faite par une source médicale française alors qu'Arafat n'avait même pas subi tous les examens devant conduire à cette conclusion qui signifie une mort réelle. Il aurait fallu deux électro-encéphalogrammes réalisés à quatre heures d'intervalle, et une artériographie montrant l'absence de circulation sanguine dans les veines. Ce qui, semble-t-il, ne fut pas le cas. Hier, le principal conseiller d'Arafat, Nabil Abou Roudeïna, a assuré que l'état de santé du président palestinien est toujours critique, mais pas à un stade irréversible. “En dépit de l'état de santé critique du président Arafat, sa condition n'a pas atteint un stade irréversible, comme l'ont rapporté certains médias et nous espérons que son état va s'améliorer dans les prochains jours”, a-t-il déclaré rejoignant ainsi les propos de Leïla Shahid, la déléguée générale palestinienne à Paris. De son côté, le secrétaire de la présidence de l'Autorité palestinienne, Tayeb Abdelrahim, a assuré, dans la nuit de vendredi à samedi, que la vie d'Arafat “n'est pas en danger” et qu'il “n'est pas non plus dans le coma”. “M. Arafat est dans le service des soins intensifs. Il a besoin de nouvelles analyses médicales, il est sous anesthésie, mais sa vie n'est pas en danger”, a répété ce responsable. Cet indice d'optimisme est corroboré par la presse israélienne. Le site Internet du quotidien Yédiot Aharonot a affirmé que le dirigeant palestinien a ouvert les yeux durant la nuit de vendredi à samedi. Le journal ajoute qu'une importante personnalité palestinienne, qui s'est rendue au chevet de M. Arafat, a indiqué que ce dernier avait réussi à communiquer avec ses médecins qui se sont déclarés “encouragés”, et capables de surmonter la maladie après en avoir déterminé toutes les causes d'ici à trois jours. Au niveau des sources officielles, un porte-parole du service de santé des armées a indiqué, vendredi, que l'état de santé du dirigeant palestinien “ne s'est pas aggravé”. “L'état de santé du président Yasser Arafat ne s'est pas aggravé. Il est considéré comme stable par rapport au dernier bulletin de santé”, a déclaré le médecin général Christian Estripeau, chargé de la communication du service de santé des armées. Auparavant, les services de santé des armées françaises avaient assuré que M. Arafat n'était pas décédé, mais que sa situation clinique était “devenue plus complexe”. Les informations contradictoires concernant le sort du vieux dirigeant, guetté dans toute la planète, notamment par une présence massive de médias devant l'hôpital Clamart, a conduit le chef du département politique de l'OLP, Farouk Kaddoumi, a rappeler vendredi soir que l'équipe médicale qui suit Yasser Arafat était “la seule entité autorisée” à donner des nouvelles de son état de santé. Les dirigeants palestiniens excluent, pour l'instant, l'hypothèse de le laisser finir ses jours sur la terre qui lui vaut sa renommée. “M. Arafat ne sortira de l'hôpital qu'en marchant ou mort. Toute autre option est exclue”, a déclaré son conseiller, Mohammad Rachid. Sur le terrain, la direction palestinienne semblait résignée à la disparition de son leader et a commencé à organiser l'intérim. Dans un souci apparent d'éviter une explosion de violence en cas de décès du raïs, le Premier ministre palestinien, Ahmad Qoreï, et le président du Conseil législatif palestinien (CLP), Raouhi Fattouh, se sont rendus à Gaza pour rencontrer les délégués de la “Coalition des forces nationales et islamiques”. Ces délégués qui représentent 13 mouvements, dont le Hamas et le Jihad islamique radicaux, ont décidé de préserver l'unité nationale lors de leur rencontre vendredi à Gaza. Avant d'aller à Gaza, M. Qoreï a brièvement discuté à Ramallah avec une responsable du département d'Etat, Elisabeth Dibble. Le Premier ministre a obtenu le contrôle des pouvoirs sécuritaires et financiers, jusqu'alors détenus par M. Arafat, conformément aux procédures légales prévues en cas d'absence du président de l'Autorité palestinienne. S'agissant d'éventuelles funérailles dans un territoire contrôlé par l'ennemi israélien, les négociations n'ont pas cours, a affirmé le ministre palestinien Saëb Erakat en appelant les Israéliens à faire preuve de “sensibilité” dans une allusion au refus d'Ariel Sharon de laisser s'exaucer le vœu d'Arafat d'être inhumé sur l'Esplanade des Mosquées. Les Etats-Unis, dont le président réélu a déjà évoqué au passé Yasser Arafat, ont décidé de rester sur la réserve au sujet du lieu d'inhumation du dirigeant. “Nous sommes en contact avec les Israéliens, les Palestiniens et d'autres pour suivre ce qui se passe, qui parle avec qui, mais c'est à eux de trouver des solutions”, ont-ils fait savoir. Son état de santé reste stationnaire : Arafat a-t-il été empoisonné ? La thèse de l'empoisonnement du leader palestinien, dont l'origine de la maladie n'a pas été encore identifiée, commence à être sérieusement envisagée. Ahmed Qoreï, Premier ministre palestinien, a indiqué “ne pas pouvoir exclure qu'il ait été empoisonné”. Si le Premier ministre ne parle que d'éventualité, un proche de Yasser Arafat, un général chargé de la sécurité des camps palestiniens au Liban, est affirmatif. Selon un journaliste libanais interviewé hier par la Chaîne III de la radio algérienne, ce général qualifié de “proche” du leader palestinien estime que Arafat a bel et bien été empoisonné. Cependant, tempère ce journaliste, le général n'a fourni aucune preuve pour étayer cette thèse. Y. K.