Deux seules voies peuvent y mener : le dialogue ou la reprise de la lutte armée qui découlerait de l'échec de la première option. Il faudra attendre la réaction de Sharon aux décisions des nouvelles autorités palestiniennes pour voir laquelle de ces options aura des chances de l'emporter. Incarnation du combat pour la reconnaissance de son peuple, Arafat est mort après un demi-siècle de lutte sans avoir réalisé l'espoir de voir bâti un Etat palestinien avec Al-Qods comme capitale. Ses nombreux ennemis sur la scène internationale lui imputent la responsabilité de cet échec en s'alignant volontiers sur les arguments d'Ariel Sharon qui avait décrété que le “vieux” était un obstacle à la paix. Le Premier ministre israélien le tenait pour responsable de la seconde Intifadha dans les territoires occupés et de la montée en puissance des attentats. Les choses ne sont pourtant pas si simples pour un dirigeant tenu de rester en symbiose avec son peuple et les Israéliens et leurs alliés ne vont pas tarder à en avoir la preuve. Arafat disparu, les adversaires d'un dialogue avec la Palestine ont perdu l'argument qu'ils n'ont pas cessé de brandir ces dernières années et qui leur a permis d'assigner à résidence un président légitimement élu. Ce qui est présenté comme un “tournant” dans la crise du Proche-Orient, selon les propres mots des dirigeants israéliens, devrait conduire logiquement à la réouverture des négociations. Tout dépendra alors du contenu qu'on voudra y mettre et du sens qu'on voudra leur donner. L'équation palestinienne reste posée dans tous ses termes et les successeurs d'Arafat ne devraient pas avoir d'autre but que de parvenir à l'édification de l'Etat pour lequel ils se sont aussi battus aux côtés de leur vieux compagnon disparu et qui leur permettra de vivre en paix avec l'Etat d'Israël. Deux seules voies peuvent y mener : le dialogue ou la reprise de la lutte armée qui découlerait de l'échec de la première option. Il faudra attendre la réaction de Sharon aux décisions des nouvelles autorités palestiniennes pour voir laquelle de ces options aura des chances de l'emporter. Evidemment, l'administration israélienne misera sur une direction modérée pour accepter de relancer le processus de paix. Le tout est de savoir définir la modération. S'il s'agit d'obtenir le maximum de concessions, le peuple palestinien marquera vite sa défiance et les nouveaux dirigeants vont être couverts de discrédit. Ceci ouvrira alors une voie royale aux extrémistes du Hamas et du Djihad et n'exclut pas le risque d'une confrontation fratricide que Yasser Arafat était parvenu à conjurer grâce à sa personnalité et au consensus, même fragile, qu'il avait réalisé autour de sa personne. Pour éviter une crise de légitimité, il faudra permettre la mise en œuvre des dispositions prévues par la Constitution palestinienne qui prévoit la tenue d'une élection présidentielle après un intérim de 60 jours qui a échu au président du Parlement palestinien, Rawhi Fattouh. Or, les territoires palestiniens sont bouclés et transformés en zone de guerre. Les élections y seraient impossibles sans une étroite coopération d'Israël. Pour l'heure, cette perspective n'a pas l'air d'apparaître comme une priorité aux yeux de Tel-Aviv alors que la transition s'effectue en douceur du côté palestinien. Ainsi, Mahmoud Abbas, 69 ans, négociateur réputé pour son pragmatisme et sa modération, a été nommé sans surprise nouveau chef de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Mahmoud Abbas (alias Abou Mazen) occupait jusque-là les fonctions de secrétaire général de l'OLP. Quasiment plongé dans l'oubli après sa démission comme Premier ministre en septembre 2003 à la suite de profondes divergences avec Yasser Arafat, Mahmoud Abbas, 69 ans, est revenu sur le devant de la scène lors de l'hospitalisation fin octobre du président de l'Autorité palestinienne. Connu surtout sous son nom d'Abou Mazen, Mahmoud Abbas a longtemps souffert auprès de son peuple de la réputation d'être l'homme des Américains et l'interlocuteur favori des Israéliens. Sa cote de popularité auprès des Palestiniens a pâti de l'effondrement des accords d'Oslo de 1993 sur l'autonomie palestinienne, dont il a été le principal architecte avec Shimon Pères, alors ministre des Affaires étrangères d'Israël. Des accords rendus moribonds Ces accords, qui avaient conduit dans un premier temps à l'établissement de l'Autorité palestinienne et à l'autonomie de certains territoires palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, sont devenus moribonds à la suite de l'Intifadha palestinienne en septembre 2000 et de la réoccupation par Israël de plusieurs régions de ces territoires. M. Abbas a condamné la “militarisation” de l'Intifadha, estimant qu'elle constituait une erreur tactique. En décembre 2002, il a appelé les Palestiniens à revenir aux moyens utilisés lors de la première Intifada (1987-1993), “les jets de pierre, les manifestations et autres moyens de protestation pacifiques”. Il avait bénéficié, durant les quatre mois où il avait été au pouvoir, du soutien du président américain George W. Bush, qui l'avait rencontré à trois reprises à la Maison-Blanche, puis lors de Sommets à Charm El-Cheikh (Egypte) et à Aqaba (Jordanie). De son côté, le Premier ministre, Ahmad Qoreï, 67 ans, doit continuer de gérer les affaires courantes en attendant que la succession se fasse. Autre favori des observateurs, Ahmed Qoreï est considéré comme une force tranquille dans les incessantes turbulences politiques palestiniennes. M. Qoreï (alias Abou Alaa), qui a assuré l'intérim de la présidence de l'Autorité palestinienne suite à l'hospitalisation de Yasser Arafat à Paris le 29 octobre dernier, est l'un des acteurs principaux des accords d'Oslo sur l'autonomie palestinienne signés en 1993 avec Israël. Premier ministre depuis 2003, il a contenu la crise qui faisait rage entre M. Arafat et Mahmoud Abbas en acceptant de succéder à ce dernier, récoltant les éloges de ses pairs qui voient en lui “l'homme le plus capable de gérer les crises”. Il a été l'un des premiers hauts responsables palestiniens à s'entretenir avec le Premier ministre israélien Ariel Sharon à Jérusalem, après son entrée en fonctions en mars 2001. Comme possibles successeurs d'Arafat on avance aussi les noms de Mohamed Dahlan, l'ancien chef de la sécurité de Gaza et un des hommes clés des forces de sécurité palestiniennes. Dahlan, 43 ans, pâtit auprès des Palestiniens de sa collaboration avec les forces de sécurité israéliennes lorsque Arafat s'était retrouvé piégé à mater sa propre population. Autre figure issue des forces de sécurité, Jibril Rajoub, 51 ans, conseiller d'Arafat pour la sécurité nationale. Dans tous les cas, les Israéliens vont tenter d'influer sur la succession d'Arafat en prenant la précaution de ne pas discréditer leur favori si jamais ils le trouvaient. “Nous espérons que la nouvelle direction palestinienne qui va lui succéder comprendra que des progrès dans les relations avec Israël et les solutions de problèmes dépendent avant tout de la guerre contre le terrorisme qu'ils doivent mener”, a insisté Ariel Sharon. “Israël qui aspire à la paix continuera bien sûr à déployer des efforts pour parvenir à un accord politique avec les Palestiniens”, a poursuivi M. Sharon. Le président Moshé Katzav qui a un rôle essentiellement protocolaire a, pour sa part, affirmé qu'il considère Mahmoud Abbas et Ahmad Qoreï, des “dirigeants positifs, constructifs et rationnels pour le peuple palestinien”. Belles paroles. En réalité, le processus de paix au Proche-Orient dépendra aussi de l'attitude de la communauté internationale, notamment celle du président George Bush qui a soutenu fermement Ariel Sharon en refusant de rencontrer Arafat. Soucieux de normaliser ses relations avec l'Europe, le président réélu se montrera peut-être attentif aux arguments de l'UE s'il veut obtenir sa coopération dans la crise irakienne. “Si une nouvelle direction émerge au sein de la communauté palestinienne et indique clairement qu'elle s'opposera au terrorisme et n'apportera pas de soutien aux activités terroristes (...) alors nous sommes prêts à travailler avec elle”, a affirmé le secrétaire d'Etat Colin Powell. “La meilleure contribution à la mémoire du président Arafat sera d'intensifier nos efforts pour bâtir un Etat palestinien viable et pacifique”, a lancé pour sa part le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana. Y. K.