Moins de 48 heures après la caution de Bush, le chef du gouvernement israélien est passé à l'action dans une iminelle fuite en avant. L'administration américaine, peut démentir qu'elle n'a pas donné de «feu vert» aux Israéliens pour les assassinats ciblés, mais il ne fait pas de doute que le soutien public apporté par le président Bush au chef du gouvernement israélien, Sharon, pour son plan de séparation, a été interprété en Israël comme une garantie d'impunité et une prime à l'agression et à l'assassinat. En fait, le président américain porte désormais la responsabilité morale de l'aggravation de la violence dans les territoires palestiniens occupés. L'assassinat samedi par l'armée d'occupation israélienne du chef du Hamas, Abdelaziz Al-Rantissi, moins de vingt-quatre heures après le retour à Tel-Aviv de Sharon, est un acte délibéré qui marque le point de non-retour de la part des Israéliens, définitivement opposés à une paix négociée au Proche-Orient. Fort du soutien sans ambages des Etats-Unis et du silence complice d'une communauté internationale qui n'a jamais voulu assumer ses responsabilités dans le drame palestinien, Israël ne cache plus son intention d'éliminer tout Palestinien qui refuse son diktat. Les propos du ministre israélien chargé des relations avec le Parlement, Gidéon Ezra, sont sans équivoque lorsqu'il affirme : «Le président Bush a donné sa bénédiction à la poursuite de la lutte contre le terrorisme.» Et ce «terrorisme» c'est évidemment la résistance du peuple palestinien contre l'occupation israélienne. Le même de dire : «Les opérations comme celles que nous avons menées contre Rantissi vont se poursuivre, ne serait-ce que pour s'assurer que les organisations terroristes ne prendront pas le contrôle de Ghaza après notre départ.» Dans ce monde où la loi du plus fort prime, ce sont encore les assassins qui parlent haut et fort, fiers de leurs inqualifiables forfaits. Mais faut-il s'en étonner lorsque les puissants Etats-Unis, parrains du processus de paix, faisaient fi de la neutralité qui leur seyait, prennent sans nuance, et sans aucune réserve, fait et cause pour l'une des parties : Israël. L'assassinat le 22 mars dernier du chef spirituel de Hamas, Ahmed Yassine, celle, samedi soir, de son successeur Abdelaziz Al-Rantissi, les menaces de mort proférées contre le président Yasser Arafat et le chef politique de Hamas, Khaled Mechaal - comme l'a réitéré hier encore, le criminel de guerre Ariel Sharon - entrent de plain-pied dans la politique de la terre brûlée pratiquée par Sharon depuis sa prise de pouvoir en mars 2001. C'est cette politique criminelle, qui ne laisse aucune option que celle de la violence que les Etats-Unis - par le biais du soutien public du président Bush au plan Sharon - ont entérinée. Conforté dans sa politique du pire par le président américain, Sharon pouvait affirmer, comme il le fit hier, «La politique, qui consiste d'un côté à déployer des efforts pour avancer dans le processus politique et d'un autre côté à frapper les organisations terroristes et ceux qui sont à leur tête va continuer». Laissée à la seule appréciation des Israéliens, la situation au Proche-Orient a, en fait, échappé à toute logique dès le moment où Israël se voit doté du droit de vie et de mort sur les Palestiniens, en qualifiant de terroristes, donc promis à une mort certaine, tout Palestinien qui résiste ou ne se soumet pas au diktat de Sharon. La tragédie des Palestiniens est que même les condamnations de la communauté internationale des crimes d'Israël sont édulcorées au point qu'elles peuvent être comprises, a contrario, comme une condamnation à rebours de la résistance palestinienne à l'occupation. Israël assassine quotidiennement les Palestiniens et leurs responsables politiques or, les réactions enregistrées mettent toujours en avant le «droit» d'Israël à se protéger, et ne disant mot sur le fait que la seule protection d'Israël consiste dans son retrait des territoires palestiniens occupés en 1967, occupation qui est en réalité le véritable danger pour Israël. L'on se demande aussi pourquoi la communauté internationale n'exige pas, face à l'incapacité des deux parties à négocier, la mise en place d'une force d'interposition internationale dans les territoires palestiniens occupés. Attend-elle qu'Israël tue le dernier Palestinien pour avoir recours enfin à cette action que le bon sens recommande? Washington qui n'a pas condamné cet énième forfait d'Israël tente en revanche de justifier l'injustifiable lorsque le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, affirme «Comme nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, Israël a le droit de se défendre contre des attentats» mais, là encore, aucun mot sur la nécessité d'Israël de se retirer des territoires occupés. Après l'assassinat d'Al-Rantissi, un ministre israélien s'est ainsi carrément revendiqué d'un «feu vert» américain. Dans une sorte de démenti, un responsable du Département d'Etat a déclaré hier sur CNN que «Les Etats-Unis n'ont certainement pas donné de feu vert à Israël et n'avaient absolument pas été prévenus à l'avance». En dépit de tous les forfaits d'Israël, Washington s'interdit de condamner cet assassinat barbare. Dès lors, si ce n'est pas là un feu vert, le refus de condamner cette action criminelle, lui ressemble fort. Dans cette situation devenue néfaste, les organisations palestiniennes prennent date et promettent de répliquer durement. «Sharon, ne te réjouis pas, le docteur (Al-Rantissi) voulait mourir en martyr» clamait un militant de Hamas, alors que le branche militaire de Hamas, les brigades Ezzedine Al-Qassam, ne jure que vengeance affirmant dans un communiqué : «Nous allons faire exploser un volcan de vengeance» ajoutant : «Nous vengerons au centuple le sang d'Al-Rantissi et de Yassine». Tirant les leçons des crimes d'Israël contre des dirigeants palestiniens, le ministre palestiniens des Affaires étrangères, Nabil Chaath, a exclu hier toute possibilité de paix avec le gouvernement israélien d'Ariel Sharon qui bénéficie du soutien des Etats-Unis, après l'assassinat du chef du Hamas, Abdelaziz Al-Rantissi. «Il n'y a plus aucune possibilité d'avancer dans le processus de paix (...) tant que cet homme, (Sharon), est au pouvoir en Israël et tant qu'il bénéficie du soutien de l'administration américaine» de George W.Bush, a déclaré M.Chaath, indiquant que, du fait de «la politique d'assassinats politiques poursuivie par Israël», l'Autorité palestinienne «a des options limitées» pour l'action politique. Il a ajouté toutefois que les Palestiniens doivent s'armer de patience et «poursuivre (notre) résistance à l'occupation, aux meurtres et aux crimes d'Israël, tout en unifiant nos rangs et en agissant dans la mesure du possible aux plans arabe et international». Pour sa part, jugeant «inacceptables» les déclarations du président Bush, le Premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, a indiqué : «Nous ne pouvons accepter cela car ces questions doivent être décidées lors de négociations (entre les Palestiniens et Israël», ajoutant «Ce n'est pas au président des Etats-Unis de décider de ce qui est réaliste et ce qui ne l'est pas», s'exclamant «Ce qui n'est pas réaliste, c'est qu'Israël occupe des territoires palestiniens». En fait, obnubilé par sa réélection, et accédant à tous les oukases d'Israël, George W.Bush, en soutenant publiquement Sharon aura surtout coupé le dernier fil tenu qui faisait espérer les Palestiniens. Au fait l'assassinat d'Al-Rantissi peut bien être la goutte qui fera déborder le vase au Proche-Orient.