Dans son préambule, le modérateur Ali Haroun a rappelé à l'assistance que le but de cette rencontre est de "parler des éditeurs ; quels ont été les éditeurs, qu'est-ce qu'ils ont pu faire, quelles ont été leurs difficultés – certains éditeurs ont subi des pressions et ont été l'objet d'attentats, d'autres comme Nils Anderson a perdu pratiquement toute son entreprise pour son engagement pour la guerre de l'Algérie". Une rencontre, modérée par Ali Haroun, intitulée "Les éditeurs militants de l'indépendance algérienne", a réuni, avant-hier après-midi au stand Esprit Panaf (pavillon central) au Sila, l'éditeur suisse et grand militant dans son domaine (l'édition) pour la cause algérienne, Nils Andersson, l'éditeur algérien (et auteur de deux dictionnaires remarquables : l'un sur les Algériens d'origine européenne et juive et la guerre de Libération, et un autre sur les soutiens internationaux), Rachid Khettab, et le rédacteur en chef de la revue libanaise El-Adeb, Samah Idriss. Dans son préambule, le modérateur Ali Haroun a rappelé à l'assistance que le but de cette rencontre est de "parler des éditeurs ; quels ont été les éditeurs, qu'est-ce qu'ils ont pu faire, quelles ont été leurs difficultés – certains éditeurs ont subi des pressions et ont été l'objet d'attentats, d'autres comme Nils Anderson a perdu pratiquement toute son entreprise pour son engagement pour la guerre de l'Algérie". Pour lui, "ces éditeurs sont finalement des éditeurs militants, comme les éditions de Minuit, Maspero ou La Cité à Lausanne. Il fallait encourir un risque et ils l'ont encouru. Ils sont été mastiqués, poursuivis ; des ouvrages ont été saisis...". Pourtant, ils ont continué à informer l'opinion publique française et internationale, de manière souvent "clandestine". Ali Haroun a également souligné le travail de communication du FLN, signalant qu'un nombre important de journaux clandestins, dans des langues différentes, avait été publié, en France "et tout autour de l'Hexagone" (en Allemagne, au Danemark, en Grande-Bretagne, en Suisse, etc.). Une manière de faire connaître ses positions. Parmi les éditeurs qui ont eu le courage de publier des ouvrages interdits et militants pour la cause algérienne, l'éditeur suisse Nils Andersson – qui a notamment réédité La Question d'Henri Alleg et La Gangrène et publié La Pacification (qui est sorti cette année aux éditions Chihab) –, qui est invité pour le Sila, et a été invité lors de cette rencontre, a témoigné de son expérience. M. Andersson a situé trois moments : d'abord une première période après le déclenchement de la lutte armée du 1er novembre 1954, durant laquelle l'information était rapportée par les journaux. "Dans ce moment-là, il y a un fort mouvement chez les rappelés qui résistent ; il y a des affrontements dans les casernes, dans les usines, dans la rue...", a-t-il indiqué. Mais suite à des saisies de journaux et plusieurs événements sur la scène politique, et "après la résistance de ces mouvements qu'on a vu, on entre dans une période de silence. Là, il y a ce phénomène absolument étonnant qui va se produire, c'est que l'édition va vraiment remplacer la presse dans le rôle d'information", constate-t-il. D'autant que "l'avantage d'un livre est qu'il est publié aujourd'hui et reste toujours valable dans un an. On peut l'éditer clandestinement. Et là il revient un mérite tout particulier à Jérôme Lindon, qui était le directeur des éditions de Minuit, qui publie le livre de Jacques Vergès et Georges Arnaud et La Question d'Henri Alleg – si Lindon ne l'avait pas publié il n'aurait probablement jamais été édité". Pour Nils Andersson, "l'édition a joué un rôle absolument fort, surtout durant la période s'étalant de 1956 à 1960". Car "l'essentiel de l'information était porté par les éditeurs durant cette période difficile. L'édition a permis que les livres soient chez les libraires, faire connaître la réalité de cette guerre sous tous ses aspects (la torture par exemple). La réédition de La Question, ensuite de La Gangrène, ça a joué un rôle important dans l'opinion française et l'opinion internationale". Si faire circuler l'information a été le rôle premier des éditeurs, viendra ensuite "la responsabilité des éditeurs", dans une sorte de deuxième phase, par rapport, entre autres, à l'authenticité des faits rapportés. Bien sûr, il y avait des risques, mais pour Nils Andersson, qui a soutenu que "cette masse de documents (ouvrages édités) continuent de véritables archives citoyennes", "on n'encourait pas les mêmes risques que les militants algériens". Rachid Khettab a souligné, durant son intervention, le rôle des éditions italiennes Feltrinelli "qui ont commencé à éditer des ouvrages interdits et saisis en France", et celui des éditions Subervie, "un éditeur de Province (en France), qui a édité des tracts de la révolution algérienne". M. Khettab évoquera également le rôle de certaines revues, comme La Voie communiste et Socialisme ou Barbarie – "cette dernière n'avait pas pris position mais il y avait un débat concernant le tiers-mondisme, la révolution prolétaire...". Samah Idriss est, pour sa part, revenu sur le soutien de la maison d'édition libanaise Dar El-Adeb, qui a apporté son soutien à la cause algérienne, à travers non seulement des articles politiques mais également à travers la publication de poèmes et de nouvelles ainsi que des traductions. "A travers la cause algérienne, El-Adeb a été un pont réunissant des créateurs et des poètes du Machreq et du Maghreb", a estimé M. Idriss.