Plusieurs maisons d'édition européennes et arabes ont soutenu la lutte d'indépendance du peuple algérien. Le Suisse Nils Anderson et le Libanais Samah Idriss ont évoqué, jeudi au niveau de l'espace Esprit Panaf au pavillon central du Palais des expositions des Pins maritimes, à l'occasion du 19e Salon international du livre d'Alger (SILA), la contribution de leurs maisons d'édition à la lutte d'indépendance du peuple algérien. Le débat, modéré par Ali Haroun et en présence de l'éditeur Rachid Khatab, s'est axé sur «la bataille» qu'ont menée certains éditeurs pour faire entendre la voix des nationalistes algériens au milieu de l'hostilité et de la censure. «Souvent on évoque le trio Maspero, Minuit et les éditions de la Cité en France, mais il y a eu d'autres éditeurs notamment en Italie et aux Pays-Bas. Des ouvrages interdits en France comme La question ou La gangrène ont été édités en Italie», a précisé Rachid Khatab. Il évoqué «la dissidence» au sein du Parti communiste français (PCF) qui s'était exprimée par la publication de documents favorables aux nationalistes algériens. «La Fédération de France du FLN a publié une série de journaux clandestins hors de France. Chose qu'on ne sait peut être pas. Le premier a été diffusé en Allemagne. A l'époque, les Allemands voulaient récupérer leurs enfants qui s'étaient engagés dans la légion étrangère. Ceux-ci ont fait beaucoup de témoignages sur la guerre en Algérie. Nous avons enregistré un certain retour de l'opinion publique allemande. Ce journal était cité par la presse allemande. Nous avons dans nos archives une trentaine de numéros de ce journal», a confié Ali Haroun qui a évoqué Free Algeria, publié en Grande-Bretagne et dirigé par un parlementaire de Londres. «Nous avions aussi un autre journal qui paraissait au Danemark. Vérité anticolonialiste était diffusé dans toute la Suisse. En Belgique, le Comité pour la paix en Algérie publiait régulièrement des communiqués. L'un des animateurs du comité a été assassiné par la Main rouge par une bombe placée dans un livre», a-t-il relevé. Dar Al Adab de Beyrouth, selon l'universitaire Mustapha Madi, est la seule maison d'édition arabe à avoir traduit La question d'Henri Alleg (sur la torture, publié en 1958), les ouvrages de Germaine Tillion et de Jean-Paul Sartre. «Le soutien à la Révolution algérienne dans les pays arabes ne s'est pas limité à la littérature militante et aux textes politiques, mais aussi à la nouvelle et à la poésie. La revue Al Adab a beaucoup soutenu la lutte du peuple algérien. Entre 1954 et 1962, Al Adab a publié une cinquantaine de poèmes à la gloire de la Révolution algérienne écrits surtout par des Syriens et des Irakiens. Le plus célèbre poème est Djamila Bouhired de Nizar Qabani. La revue Al Adab était un lien progressiste et nationaliste entre les créateurs du Moyen-Orient et ceux du Maghreb et entre des chercheurs arabes et des universitaires indépendants français. La revue a publié plusieurs appels et documents dénonçant le colonialisme français en Algérie», a souligné Samah Idriss de la maison Dar Al Adab. Intervenant au débat, une historienne française a remarqué que plusieurs chercheurs et historiens français ont ignoré l'impact de toutes les revues, éditions et documents qui avaient soutenu la lutte d'indépendance du peuple algérien. «Ces publications avaient un impact considérable sur les réseaux de militants et avaient joué un rôle dans l'inflexion du soutien à l'Algérie française. La question de la légitimité du conflit s'était pour des raisons morale et politique», a-t-elle noté. Elle a rappelé le travail fait par L'Humanité et Témoignage chrétien pour soutenir le combat du FLN, dénoncer les exactions de l'armée coloniale française en Algérie et révéler les désertions nombreuses des soldats du contingent. «Ces journaux ont subi des saisies à l'imprimerie et la censure», a-t-elle rappelé. «Certains journaux de droite considéraient L'Humanité, Le Monde et Témoignage chrétien comme «le trio» des ennemis de la France. Jacques Soustelle (gouverneur général d'Alger puis ministre de l'Information entre 1955 et 1959, ndlr) les avait traités d'antifrançais. Le Monde avait donné une vision plus juste et plus correcte de la réalité de l'époque. Son rôle était positif. Pour la vérité historique, il faut le dire», a déclaré Ali Haroun. Selon Nils Anderson, le journal L'Express du temps de Jean-Jacques Servan-Schreiber avait des positions courageuses. Il a indiqué que les publications favorables aux nationalistes algériens n'étaient pas diffusées en masse mais avaient de l'influence et de l'utilité. «Quand j'ai réédité en Suisse La Gangrène, le livre se vendait comme un best-seller dans les gares notamment à Lausanne et à Genève. Beaucoup de Français venaient acheter ce livre», a relevé Nils Anderson.