Résumé : C'est une vieille voisine qui vient leur ouvrir et les introduit chez Karim. Ihssane est sous la choc en voyant son père. Il n'est pas à l'image qu'elle s'était faite de lui. Krimo se fait passer pour un ancien camarade de fac. Karim ne se souvient pas, même pas de Lynda... - Non, souffle Ihssane qui espère avoir mal compris. Vous vous souvenez, n'est-ce pas ? Karim tourne vers elle un regard curieux. - Oui... J'ai perdu la mémoire depuis l'accident !, dit-il. En fait, avec cet accident, j'ai perdu mes jambes et ma vie d'avant ! Cet accident m'a tout pris ! A mon réveil, après quelques jours de coma, je ne reconnaissais pas mes parents, ma famille... personne ! Je ne savais plus qui j'étais. Je n'avais plus de passé et je ne voyais pas l'avenir ! Ihssane ne s'en rend pas compte mais elle pleure. La peine l'étouffe. Elle se lève et s'approche de la fenêtre entrouverte et respire profondément, mais le sentiment d'étouffer ne se dissipe pas. - J'ai perdu contact avec tous mes camarades ! Au début, ils venaient et passaient du temps avec moi ! Ils me racontaient des souvenirs communs ! Je ne me reconnaissais pas dans leur récit ! Ma vie a basculé dans le vide total... Tout en parlant, son visage s'est fermé et son regard est devenu noir. Noir comme le fond d'un puits... -Pourquoi pleures-tu ?, l'interroge-t-il. - Vous ne vous souvenez de rien ? Pendant toutes ces années, vous n'avez pas essayé... Il y a bien des thérapeutes pour vous aider ! Ce n'est pas possible ! Une amnésie d'un mois, d'une année, deux ! Comment se fait-il que vous n'ayez aucun souvenir ? Que tout est blanc ou noir dans votre tête ?, s'écrie-t-elle. Pourquoi ne pas avoir été suivi par un thérapeute ? - J'ai été suivi pendant des mois, des années ! En me tournant vers le passé, à chaque fois, j'avais l'impression de devenir fou ! Aucune image, aucune voix, aucun visage ne venaient me rassurer ! Ce n'est pas mes jambes que j'avais perdues mais toute ma tête ! - Lynda me parlait sans cesse de vous !, ment-elle en essuyant ses larmes. Elle garde un merveilleux souvenir de votre histoire... Vous aviez des projets ! - Peut-être bien, mais ici, dit-il en tapant du doigt sa tempe, il n'en reste aucun ! Je le regrette, mais rien ne me rattache au passé ! Parfois quand je me pose des questions, lorsque j'y pense sans cesse, j'ai la migraine pendant des jours ! Mon amnésie est irréversible ! - Non, non... Il faut s'accrocher, dit Ihssane. Vous n'êtes pas mort ! Vous y arriverez ! Mais il secoue la tête, les sourcils froncés. Ses yeux brillent de larmes contenues. La colère monte en lui. - La mort aurait été bien douce par rapport à ce que je vis depuis des années ! Mes parents sont morts de chagrin ! Je n'ai rien pu partager avec eux ! Si mon frère et sa famille le voulaient, ils pourraient m'abandonner à mon sort ! Je suis une charge, un poids mort ! - Non, ne dites pas ça ! Krimo fait signe à Ihssane de revenir s'asseoir. - On est peinés par ce qui t'est arrivé !, dit-il. S'il y a quoi que ce soit qu'on puisse faire, n'hésite pas à demander ! On le fera de bon cœur ! - Je ne veux pas de votre pitié ! - Non, ce n'en est pas !, s'écrie Krimo. On est amis ! - Ton ami est mort depuis longtemps !, réplique-t-il en se détournant de leur regard. Partez et ne revenez plus ici ! Nous n'avons plus rien en commun ! Je vous en prie, partez ! Ihssane se lève d'un coup. - Non, non ! On ne partira pas ! - Je n'ai plus de vie depuis mon accident ! Je n'ai ni souvenir ni ami ! Même les souvenirs récents, je les oublie ! Dans quelques jours, je vous aurais oubliés ! - Ce n'est pas possible ! Karim hoche la tête avant de lui désigner un tableau chargé de pense-bêtes. - J'écris tout ce que je fais. Pour me rappeler...Mais dans quelque temps, même en les relisant, je ne me rappellerai pas ! Partez ! Arrêtez de me torturer avec le passé ! (À suivre) A. K.