L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a décidé, jeudi, de maintenir la production de brut au niveau actuel de 30 millions de barils par jour (mbj), malgré la chute du prix du pétrole sur le marché mondial, qui a déjà atteint son niveau le plus bas depuis quatre ans. L'organisation, censée défendre les intérêts de ses membres, a montré, lors de cette réunion, le fossé qui sépare ses membres et que, faute de consensus, c'est toujours l'Arabie saoudite qui décide au grand dam de la majorité des membres. Les divisions sont apparues dans les semaines précédant la réunion, certains souhaitant ardemment une réduction du plafond de production de l'Opep pour freiner la chute des cours du brut tandis que d'autres préconisaient de laisser faire le marché. Les tentatives d'aplanir les divisions la veille de la réunion se sont avérées vaines. Au final, ce sont les tenants du statu quo, l'Arabie saoudite et ses alliés, qui ont gagné. Pour eux, réduire unilatéralement la production de l'Opep, qui ne représente qu'un tiers de la production mondiale, aurait représenté le risque d'abandonner des parts de marché à d'autres producteurs, notamment nord-américains. Cette décision n'est pas une surprise. Le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al-Naïmi, avait déclaré, la veille, qu'il laisserait jouer l'offre et la demande et que "le marché se stabilisera de lui-même". Il a donc salué "une bonne décision" à l'issue de la réunion, la plus importante depuis celle d'Oran de décembre 2008. La monarchie saoudienne, dont la production représente un tiers de celle de l'Opep, dispose de suffisamment de réserves pour se permettre de supporter une baisse des prix pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Contrairement à des pays comme le Venezuela, l'Iran ou l'Algérie dont les équilibres financiers dépendent exclusivement des recettes des hydrocarbures. Selon des données de différents ministères et de l'IMF (International Monetary Found), tous les pays de l'Opep ont besoin d'un baril supérieur à 90 dollars (93 dollars/b pour l'Arabie saoudite), à l'exception du Koweït, des Emirats et du Qatar qui sont plutôt dans la zone des 70 dollars – niveau quasiment atteint le 27 novembre au soir. Hors Opep, il ne faut pas oublier un des grands producteurs mondiaux de pétrole, la Russie. C'est annuellement 100 milliards de dollars que la Russie perdrait avec un baril à moins de 80 dollars. Cette situation fait que plusieurs observateurs voient dans la position saoudienne une action concertée avec la Maison-Blanche pour affaiblir l'Iran et la Russie. "Cette baisse des prix sert les intérêts stratégiques des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite", assure Thomas Friedman, l'éditorialiste du New York Times, qui subodore dans cette politique une "guerre par d'autres moyens" à l'encontre de Moscou et de Téhéran. L'Arabie saoudite profite aussi de l'occasion pour faire pression sur les Etats-Unis où la rentabilité de l'exploitation du pétrole de schiste sera mise à mal, en dessous du seuil de 90 dollars le baril. S S