Des membres du gouvernement s'affrontent, d'autres se rebellent contre leur Chef du gouvernement. Image d'une équipe en mal de cohésion. Abdelatif Benachenhou raillant Ahmed Ouyahia, Khalida Toumi blâmant le ministre des Finances, Cherif Rahmani répliquant à sa collègue de la Culture, Saïd Barkat ignorant son délégué au Développement rural : l'Exécutif livre l'image saisissante d'une équipe en parfaite déliquescence. En prime, cette volonté du Chef du gouvernement d'appliquer les réformes économiques libérales du président de la République en les accompagnant d'une recherche constante de protectionnisme social en mal de survie. Deux évidences à rappeler. D'abord, Ahmed Ouyahia qui s'évertue, avec engagement fervent publiquement assumé depuis l'élection présidentielle du 8 avril dernier, à mettre en application des mesures dictées par le choix de l'Algérie de rejoindre le train de la mondialisation. Deuxièmement, les grosses pointures de son cabinet, en charge des lourds dossiers de cette même réforme, qui dénoncent son manque de réalisme. En première ligne des grogneurs : Abdelatif Benachenhou. Le dogmatique ministre des Finances l'affirme sans gêne, ni embarras. Sa réaction, par exemple, par rapport à la décision unilatérale de “son” Chef du gouvernement d'interdire aux entreprises publiques de déposer leur argent dans les banques privées. Le chef de l'Etat laissant faire, M. Benachenhou se charge de la finition. Le rappel est cinglant : “Ahmed Ouyahia a raison à court terme (première épingle), mais j'ai raison à long terme.” “Cependant, nous ne pouvons pas vivre avec deux marchés bancaires dans un même pays (deuxième épingle). Je ne peux pas accepter (troisième épingle) qu'un chèque d'une société privée réputée internationale soit refusé à une banque publique.” Ces affirmations vont à contre-courant des déclarations d'intention de M. Ouyahia : “Il n'y a pas de place à la démagogie si nous voulons entrer dans l'économie de marché.” Et à Lisbonne, devant les hommes d'affaires portugais : “L'économie algérienne n'est plus une économie publique.” Chakib Khelil, l'influent et mesuré ministre de l'Energie, fait aussi un rappel quand il note la “volonté du gouvernement de créer un environnement économique et social adéquat alliant la transparence, l'ouverture et la compétitivité…” Pendant ce temps, M. Benachenhou révèle que dix milliards de dollars sommeillent dans les banques… publiques. Et le fameux article relatif à l'interdiction d'importation des boissons alcoolisées n'est pas encore levé. Le ministre des Finances fulmine, son collègue du Commerce, l'effacé Noureddine Boukrouh, n'en pense pas moins ; nul n'oublie que le RND que dirige le Chef du gouvernement avait lui-même approuvé, l'année dernière, la proposition des islamistes d'El-Islah ! Furieuse, Khalida Toumi, loin d'être en odeur de sainteté avec M. Benachenhou, profite de la première occasion pour l'allumer. Elle parle de “parcimonie” quant au budget alloué à son département. Des cadres de son ministère s'en prennent aussi à Cherif Rahmani, accusé de ne pas protéger assez le patrimoine du Sud en notant des “défaillances des départements concernés par la protection des vestiges du Tassili Najjer (Djanet)”. Le ministre de l'Environnement riposte avec dédain : “Je préfère m'abstenir de commenter ces déclarations.” Mais il précise : “Nous avons mis, en 2002, 12 millions de dollars pour la protection de la biodiversité dans le parc du Tassili ; qu'on ne dise pas aujourd'hui que nous sommes défaillants.” Pour ajouter à la confusion, le médiatique ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat, et son délégué du Développement rural, le discret Rachid Benaïssa tentent d'étouffer le sourd contentieux qui les oppose. Le retard pris dans la préparation de la campagne antiacridienne et la part de responsabilité de chacun d'entre eux peinent à trouver arbitrage. Le programme de Abdelaziz Bouteflika est visiblement entre de bonnes mains. L. B.