Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
"Dire que Amirouche n'avait pas de la sympathie pour les intellectuels est un mensonge politique" "SOUVENIRS D'UN RESCAPE DE LA WILAYA III" DE MOHAND SEBKHI
Pleins d'anecdotes, ce livre-témoignage, préfacé par Daho Djerbal, est à lire pour y détecter des noms, des lieux et des parcours de combattants. De l'innocence d'un enfant de la Soummam à la grandeur d'un homme d'Etat, Mohand Sebkhi nous livre dans ce témoignage, à ajouter aux livres-clés de l'histoire, des pans entiers sur la période la plus cruciale de l'Algérie. La guerre de Libération nationale. Né en 1938 à Sidi El-Hadj Hsiyen, douar des Ath Ouaghlis, Mohand Sebkhi rejoint le maquis à l'âge de 17 ans, après maintes tentatives rejetées par ses aînés, vu son âge. Très jeune, il se jette dans le monde des adultes sur le champ de bataille. Cependant, il n'a pas voulu parler de lui, mais évoquer de mémoire ses compatriotes aussi jeunes qu'anonymes, mais ayant, comme lui, connu la misère et les tortures de la colonisation. Pleins d'anecdotes, Souvenirs d'un rescapé de la Wilaya 3, préfacé par Daho Djerbal, est un livre à lire pour y détecter des noms, des lieux et des parcours de combattants. Il se rappelle les moudjahidine enfermés dans une grotte dont la bouche est bétonnée par l'armée française, et là, transis de froid, mourant de faim et de soif au point de boire leur urine pendant des jours de captivité ; ils réussirent à l'aide d'un couteau à y sortir épuisés, morts-vivants. Les villageois les avaient réanimés. Ils ont dû poursuivre leur combat et mourir plus tard au champ d'honneur. Evidemment, cette histoire de la grotte de Merzoug n'était pas due au hasard. Mohand Sebkhi affirme que "dans toute l'Algérie, il y a eu des héros et des antihéros et cela ne concerne pas uniquement la Wilaya 3". Le sort de beaucoup de maquisards a été scellé en travers : ceux qui sont sortis des camps de concentration, perdant la raison, n'ont bénéficié d'aucun avantage, ni d'aucun dédommagement. "C'est le sort de ces trois amis d'enfance que nous étions : Zarouri Mohand Arezki, Mohand Belghazi et moi." Avec ce poignant témoignage, le rescapé de la Wilaya 3 porte la voix des anonymes qui ont sauvé la révolution avec le peuple, et les héros de notre histoire. A l'exemple de Si Mohand Ourabah des Ath Ouaghlis qui livra bataille à une armée française déchaînée afin de couvrir le colonel Amirouche et ses gardes du corps ; il y avait laissé la vie. M. Sebkhi révèle des opérations héroïques jusque-là inédites. D'où l'intérêt même d'écrire ce récit et transmettre une mémoire commune. Retraçant les circonstances atténuantes où le chef de la Wilaya 3, Amirouche Ath Hamouda, espérait surmonter toutes les crises "s'il arrivait à Tunis et en revenait vivant, il serait là pour reprendre les choses en main et il promettait que la période difficile ne durerait pas". Hasard ou ironie du sort, début 1959, c'est le moment où l'étau se resserre sur la Kabylie avec les terribles bombardements, moments de la vraie guerre d'Algérie, les maquisards souffrent de manque de munitions. Coupés du peuple, pendant que l'extérieur semble abandonner la révolution, ils se rendent compte que ni les aides de la Fédération de France du FLN, ni les contributions des pays amis ne leur parvenaient, alors que dans les maquis, les moudjahidine tombaient par milliers. En témoin vivant, il rend justice en démontant les rumeurs circulant au sujet des noms "mythiques" tels que celui d'Amirouche qu'il avait côtoyé, Abane ou Ben M'hidi... "Ces deux derniers surpassaient tous les autres. Même les colonisateurs ont reconnu leur valeur". Plus loin, Mohand Sebkhi avoue : "Qui ne sait que Amirouche est un tacticien, un homme de guerre, un homme d'action et un homme politique, choisi pour ses compétences ?" L'agent de liaison de la Wilaya 3 consacre une bonne partie de son récit au chef de la Wilaya 3, Amirouche, afin de démentir les mauvaises langues postindépendance. "Dire qu'il [Amirouche, NDLR] n'avait pas de la sympathie pour les intellectuels est un mensonge politique." Enfin, à 76 ans, Mohand Sebkhi, comme beaucoup d'anciens maquisards, est aujourd'hui gagné par la déception, la colère et l'amertume. "D'aucuns se complaisent à dire que tous les moudjahidine ont profité de leur statut pour bénéficier d'innombrables privilèges dans l'Algérie indépendante. Ils se trompent : quelques-uns seulement se sont attribué la part du lion ; la majorité, les plus humbles d'entre nous, n'a rien eu." C'est dire au fait qu'il y a des Algériens à part entière et des Algériens entièrement à part ! Limara B. Souvenirs d'un rescapé de la Wilaya 3, de Mohand Sebkhi. Préface de Daho Djerbal. Document, éditions Barzakh. Alger, octobre 2014. 700 DA.