La France se dit inquiète de la situation dans le sud de la Libye, mais pose des préalables quant à son éventuelle intervention militaire directe dans ce pays. Lors d'une interview, parue hier dans Le Journal du Dimanche (JDD), le ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian, souligne la nécessité d'accompagner toute action par une solution politique pour résoudre la crise institutionnelle et le chaos sécuritaire, à l'origine de la prolifération des groupes terroristes dans le sud du pays. Jean-Yves Le Drian a qualifié le sud de la Libye de "hub terroriste", mais exclut, du moins pour l'instant, une intervention militaire directe. Le ministre français a estimé que "frapper sans solution de sortie politique est stérile. La Libye est indépendante". Il ajoute que "l'on voit apparaître aujourd'hui des points de connexion Daech (acronyme en arabe du groupe Etat islamique) et des groupes qui se réclamaient jusqu'à présent d'Al-Qaïda dans la zone sahélo-saharienne, notamment à Derna, en Libye, où Daech essaie de prendre la main. Le creuset de cette connexion est en Libye". "C'est là que se trouve Belmokhtar (l'un des principaux chefs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique), mais aussi Iyad Ag Ghali, le leader d'Ansar-Dine (...) J'ai la conviction que le sujet libyen est devant nous. En 2015, l'Union africaine, les Nations unies et les pays voisins devront se saisir de cette question sécuritaire brûlante", a indiqué, en outre, Jean-Yves Le Drian. Soit une position qui semble à mi-chemin entre les efforts des pays voisins de la Libye notamment l'Algérie, et de l'ONU, pour amorcer un dialogue politique, d'une part, et les appels pressants du G5 pour une intervention militaire étrangère, d'autre part. Cette sortie du ministre français de la Défense intervient, en effet, quelques jours seulement après que cinq Etats du Sahel réunis au sein du G5 Sahel (Tchad, Mali, Niger, Mauritanie et Burkina Faso), réunis le 19 décembre à Nouakchott, eurent appelé à une intervention internationale "pour neutraliser les groupes armés" en Libye. Le G5 Sahel — créé en février dernier — a, en outre, salué les tentatives des voisins de la Libye et de l'ONU pour "réunir les conditions d'un dialogue entre toutes les parties libyennes à l'exception des groupes terroristes reconnus comme tels". "Avoir si près de la Méditerranée des organisations terroristes structurées met en cause notre propre sécurité", a expliqué M. Le Drian, en faisant état de la présence de Français au sein de cette organisation. Mais aussi avant d'exprimer ses craintes de la fusion entre les éléments d'Al-Qaïda et ceux combattant sous le califat de Daech. Ce califat est désormais "une armée terroriste", a-t-il estimé. "20 000 combattants, des chars repris à l'armée irakienne, des moyens financiers tirés des revenus du pétrole, une technicité au combat et un savoir-faire dans l'utilisation des médias sociaux, tout cela au service d'une volonté de conquête territoriale. Une armée capable de faire de la guérilla urbaine, du terrorisme classique et de la guerre conventionnelle. Oui, nous entrons dans une nouvelle dimension, celle de la militarisation du terrorisme. Elle exige une réponse militaire", a-t-il indiqué. C'est dans ce sillage, en effet, qu'intervient la revendication par ce groupe (Daech/EI) de l'attentat commis, samedi à Tripoli, devant la Direction générale pour la protection des missions diplomatiques. L'EI en Libye a annoncé son intention de mener des attaques similaires un peu plus tard. D'où la ferme condamnation par la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul) des attaques commises contre les installations pétrolières libyennes, en renouvelant son appel à un cessez-le-feu. A. R.