De très nombreux titres de la presse publique, dont l'emblématique El Moudjahid, l'ANEP, ainsi que les imprimeries d'Etat devraient ouvrir leur capital au secteur privé. Sans trop de bruits, une petite révolution se prépare dans le domaine de la presse avec des conséquences que ne dédaigneraient certainement pas les professionnels du secteur. Et sur le plan politique, c'est peut-être l'un des signaux les plus significatifs de la volonté de réforme affichée par le président Bouteflika. De quoi s'agit-il ? En observant la liste des entreprises proposées à la privatisation, on y apprend que les sociétés affiliées au Groupe presse et communication (GPC) sont à vendre. Le GPC, dont le puissant président Abdelkader Khomri a été récemment limogé, avait été mis en place au début du premier mandat de Bouteflika dans le but de dymaniser la presse écrite publique pour l'amener à concurrencer les journaux privés. Le gouvernement n'a pas lésiné sur les moyens puisqu'il a rassemblé sous la tutelle du GPC l'ensemble des journaux étatiques, mais aussi toutes les imprimeries qui vivent, en réalité, des prestations fournies aux journaux privés, et surtout l'ANEP qui gère le formidable budget publicitaire de toutes les entreprises et administrations publiques. À l'heure des bilans, les journaux n'ont pas réussi à se redresser, hormis le quotidien constantinois En-Nasr qui a réussi le pari d'assainir ses finances et de relever son capital. Les autres semblent avoir creusé leurs déficits. Ils sont désormais tous proposés à la vente, à commencer par le plus emblématique d'entre eux, c'est à dire El Moudjahid. La liste contient aussi son “double” en arabe, Al Chaâb, mais aussi Horizons, Al Massa, El Djoumhouria et En-nasr. À ces publications, il faudra ajouter les quatre sociétés publiques d'impression (Simpral, SIA, SIE, SIO) basées à Alger pour les deux premières, à Constantine et à Oran pour les deux autres. L'ANEP et l'ENAG, l'Entreprise nationale des arts graphiques qui possède, notamment une imprimerie pour magazines, font partie de ce lot. Pour l'heure, quelques acquéreurs discrets auraient montré leur intérêt, mais il faudra certainement attendre un appel d'offres pour voir quelle destination prendraient ces entreprises même si certaines d'entre elles, parmi les publications, n'ont rien pour séduire. Toujours est-il que la décision de privatiser la presse apparaît comme une surprise dans un pays où le gouvernement a du mal à s'accommoder avec la liberté d'expression. Pire, c'est avec ces instruments qu'il a tenté de museler la presse privée en la soumettant à un incroyable chantage commercial. Plus leur échine est molle, plus les journaux augmentent leur chance d'être imprimés, même sans bourse délier. Mieux, leur docilité leur ouvre même les tiroirs de l'ANEP au mépris de toute logique qui peut dicter aux entreprises publiques de choisir leurs supports de communication. Survenue après la décision du chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, de contrôler davantage la presse publique, la décision de la privatiser apparaît comme un autre signe du malaise qui mine ses relations avec certains de ses ministres et avec le président de la République. S'il n'y a pas de remise en cause de ce processus, c'est une excellente réforme qui se met en place, en attendant qu'elle soit parachevée par l'ouverture du champ de l'audiovisuel. Y. K.