Le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, a estimé que la persistance de la crise diplomatique entre le Maroc et la France est due à l'absence de "volonté politique" à Paris et d'une confiance "ébranlée", dans un entretien à Jeune Afrique. La relation entre ces proches alliés est très tendue depuis bientôt un an, après le dépôt à Paris de plaintes pour torture à l'encontre de hauts responsables marocains, notamment le patron du contre-espionnage du royaume, Abdellatif Hammouchi. En réaction, Rabat a suspendu la coopération judiciaire avec Paris, réclamant une révision de fond en comble. D'autres accrocs ont eu lieu par la suite, et les tentatives d'apaisement n'ont pour l'heure pas permis de faire baisser la tension. Dans cette affaire, "le facteur confiance est fondamental", et "quand cette confiance est ébranlée, il y a problème", affirme M. Mezouar à l'hebdomadaire Jeune Afrique. Soyons clairs : notre sentiment est qu'il n'y a pas chez notre partenaire français de volonté politique réelle de faire obstacle aux manipulations antimarocaines émanant de milieux connus pour leur hostilité à notre encontre, poursuit-il. Selon lui, "c'est cette absence d'engagement et de détermination, cette frilosité, cette sorte de porosité constatée au cœur même du pouvoir vis-à-vis des pressions de certains lobbies qui portent atteinte à la sérénité de notre relation". Au-delà de la seule coopération judiciaire, le quotidien espagnol El Mundo a récemment affirmé que la coopération sécuritaire avait elle aussi été gelée, "y compris la collaboration antiterroriste". Le chef de la diplomatie marocaine n'évoque pas ce point précis. Interrogé jeudi lors d'un point de presse hebdomadaire, le porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi, n'a pas souhaité faire de commentaire. Le journal espagnol se fonde sur la fuite de documents diplomatiques marocains orchestrée depuis trois mois par le détenteur d'un compte twitter répondant au nom de Chris Coleman. L'identité réelle de l'auteur de ces fuites, qui refuse de répondre aux sollicitations des journalistes, n'est pas connue. La plupart de ces documents, présentés comme authentiques et qui n'ont pas fait l'objet de démenti officiel, traitent de la question du Sahara occidental, une ex-colonie espagnole majoritairement contrôlée par le Maroc mais qui est revendiquée par des indépendantistes (Polisario) soutenus par Alger. Ce dossier constitue une cause nationale au Maroc, et les publications portent sur des actions de lobbying supposées à l'étranger, au sein des institutions internationales mais aussi auprès de gouvernements et de journalistes étrangers. Après avoir gardé le silence, Rabat a fustigé le mois dernier une campagne "enragée" à son encontre, position réaffirmée par Salaheddine Mezouar. "Nous avons affaire à de la piraterie et à de la manipulation criminelle de documents, dont les acteurs et les commanditaires ne peuvent être que des parties hostiles au Maroc", dit-il. En décembre, la presse marocaine avait cité M. Mezouar dénonçant "une opération des services algériens". "Je n'ai pas dit cela de manière aussi directe", rectifie-t-il néanmoins auprès de l'hebdomadaire. Rabat propose un plan d'autonomie sous sa souveraineté pour le Sahara occidental. Mais il est rejeté par le Polisario, qui réclame un référendum d'autodétermination. Les efforts de médiation de l'ONU sont dans l'impasse, et l'envoyé personnel de Ban Ki-moon, Christopher Ross, dont les relations avec Rabat sont mauvaises, n'a pas effectué de mission sur place depuis un an. R. I./Agences