Une semaine après les attentats meurtriers en France, les partisans de la tolérance et de l'ouverture en Allemagne, soutenus vigoureusement par la chancelière Angela Merkel pour qui "l'islam fait partie de l'Allemagne", ont défilé en masse dans les rues des principales villes du pays. La participation, hier, d'Angela Merkel et du président Joachim Gauck, en effet, à une commémoration silencieuse des organisations musulmanes allemandes à la porte de Brandebourg, au cœur de Berlin, se veut l'expression du rejet de l'islamophobie, dont la montée fait craindre aux autorités un regain de tension communautaire dans le pays. Elle se situe dans le prolongement de la participation de Merkel à une marche qui a vu 100 000 Allemands descendre dans les rues à travers le pays, au lendemain d'un douzième rassemblement des partisans du mouvement Pegida (Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident), de plus de 25 000 manifestants à Dresde, destiné à dénoncer ce qu'ils voient comme une islamisation de l'Allemagne. Depuis octobre, le mouvement anti-islam Pegida se mobilise, chaque lundi, contre la religion musulmane et les demandeurs d'asile. Avec un succès croissant : 500 personnes pour le premier défilé le 20 octobre, 10 000 début décembre, 18 000 lundi dernier, et 25 000 ce lundi, chiffre record jusqu'ici. À Leipzig, également en ex-RDA, 2 000 à 3 000 manifestants anti-islam se sont pour la première fois rassemblés, mais les contre-manifestants étaient 30 000, selon les services municipaux. Les partisans d'une Allemagne ouverte aux étrangers et tolérante étaient aussi 20 000 dans les rues de Munich (Sud), 17 000 à Hanovre (Nord), 9 000 à Sarrebruck (Sud-Ouest), ou encore 4 000 à Berlin. Face à ce mouvement anti-islam, qui espère profiter des attentats terroristes en France pour gonfler ses troupes, Merkel, pour qui "l'islam appartient à l'Allemagne", s'est employée à envoyer un signal très fort pour la cohabitation paisible des différentes religions en Allemagne, en invitant à éviter l'amalgame avec les islamistes. Dans ce sillage, Angela Merkel a participé, dimanche à Paris, à une marche contre le terrorisme, aux côtés d'une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement, alors que 3,7 millions de personnes avaient défilé dans les rues des grandes villes du pays. Lors de son allocution du nouvel an, elle avait, en outre, appelé ses compatriotes à ne pas participer aux manifestations anti-islam, car elles étaient organisées par des gens au "cœur" rempli de "préjugés" et de "haine". Les autorités allemandes craignent une montée des tensions dans ce pays de 81 millions d'habitants, qui compte une communauté musulmane allemande d'environ 4 millions de personnes, essentiellement turques ou d'origine turque. Par ailleurs, c'est à cette image de l'Allemagne que les associations musulmanes, conscientes des amalgames véhiculés par Pegida, font également référence dans leur appel à manifester hier. "Nous n'accepterons pas que notre société se retrouve déchirée par des extrémistes qui n'ont pour but que d'y semer la haine et la discorde", affirment-elles. "Musulmans et non-musulmans, nous devons, particulièrement dans cette période, nous lever ensemble pour la démocratie", ont-elles ajouté. A.R.