La chancelière allemande, Angela Merkel, lors de la grandiose marche à Paris le 11 janvier La chancelière allemande Angela Merkel devait participer hier soir, Porte de Brandebourg, à Berlin, à un grand rassemblement à l'initiative d'associations musulmanes pour dire non à l'islamophobie, après les attentats de Paris. Au lendemain d'une nouvelle mobilisation record de manifestants contre l'immigration musulmane à Dresde (est), des milliers de personnes sont attendues dans le centre de la capitale allemande. Hier matin, les journaux du pays étaient nombreux à reprendre en Une la phrase lancée lundi par la chancelière: «L'islam appartient à l'Allemagne». Ces mots déjà prononcés par un ancien président allemand ont pris une toute autre ampleur après les attaques terroristes à Paris. L'Allemagne qui compte une importante communauté musulmane s'inquiète pour sa cohésion. «Nous allons envoyer un signal très fort demain (...) pour la cohabitation paisible des différentes religions en Allemagne», a affirmé lundi Mme Merkel, en annonçant sa participation. La presse allemande relevait que la chancelière, souvent peu percutante dans ses prises de parole, avait su trouver des mots forts pour dénoncer les amalgames véhiculés autour des musulmans. Mme Merkel sait que l'Allemagne «a aujourd'hui besoin de signaux», a expliqué hier le quotidien populaire Bild. «Il y a deux thèmes sur lesquels elle est capable de s'exprimer avec force: la religion et la liberté», a ajouté le journal en soulignant la jeunesse de la chancelière en RDA comme fille d'un pasteur. Pour le journal, la mission d'Angela Merkel est claire: préserver «la liberté et protéger (l'Allemagne) contre une guerre terroriste». Selon le journal Die Welt, l'Office fédéral de la police criminelle craint que les attaques parisiennes n'inspirent certains en Allemagne. «L'attentat peut servir de déclencheur à des personnes vivant en Allemagne et qui sont prêtes à agir», selon un document interne de l'Office, cité par le quotidien. Hier soir, le rassemblement, diffusé en direct par la chaîne publique ARD, devait débuter à 17h45 (16h45 GMT) par le dépôt d'une couronne - faite de crayons de couleur en hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo - devant l'ambassade de France, située juste à côté de la Porte de Brandebourg. Après une minute de silence, plusieurs personnalités devraient prendre la parole: Aiman Mazyek, co-organisateur et président du Conseil central des musulmans (ZMD), l'une des associations représentant les musulmans allemands, des représentants des communautés juive, catholique et protestante, ainsi que le président allemand Joachim Gauck qui doit conclure la manifestation, aux alentours de 19h15 (18h15 GMT). Depuis les attentats, les autorités craignent une montée des tensions en Allemagne, pays de 81 millions d'habitants, qui compte environ quatre millions de musulmans, dont une grande majorité d'origine turque. Lundi, à Dresde, plus de 25.000 manifestants - un nouveau record - ont répondu à l'appel du mouvement Pegida («Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident») qui organise depuis octobre des rassemblements anti-islam dans cette ville de l'est du pays. Les leaders de Pegida, qui se sentent légitimés par les attentats en France, avaient invité les manifestants à porter un brassard noir en hommage aux «victimes du terrorisme de Paris». Parallèlement, dans tout le pays, plus de 100.000 personnes ont défilé dans les grandes villes pour opposer à Pegida l'image d'une Allemagne solidaire des victimes du terrorisme, mais aussi tolérante et ouverte sur le monde. C'est à cette image de l'Allemagne que les associations musulmanes, conscientes des amalgames véhiculés par Pegida, font également référence dans leur appel au rassemblement. «Musulmans et non musulmans, nous devons, particulièrement dans cette période, nous lever ensemble pour la démocratie», ont-elles affirmé. Selon un sondage réalisé en Allemagne en novembre et rendu public la semaine passée, 57% des personnes interrogées considèrent l'islam comme une menace et 24% souhaiteraient interdire l'immigration des musulmans. Une partie de la classe politique ne partage pas l'idée que l'islam soit une partie de l'identité allemande. «Naturellement, les musulmans appartiennent à notre société», affirme ainsi l'ex-ministre de l'Intérieur de Mme Merkel, Hans-Peter Friedrich, membre des conservateurs bavarois. «Mais», tempère-t-il, «la question est de savoir ce qui constitue l'identité d'un pays et, en Allemagne, c'est une identité chrétienne».