Les enseignants de l'université de Béjaïa, qui se sont enfermés dans un mutisme total pendant des jours, sont finalement sortis de leur réserve. Ils ont tenu, jeudi à l'auditorium de Targa Ouzemour, une assemblée générale extraordinaire pour décider des suites à donner à un mouvement de protestation, initié par d'anciens étudiants, des exclus en l'occurrence, qui prennent en otage les huit facultés. Il faut dire aussi que le spectre de l'année blanche pointe à l'horizon. En effet, l'université est bloquée depuis des semaines, voire des mois, par quelque 600 étudiants exclus, qui réclament leur réintégration. Réclamer n'est pas le terme adéquat dans ce cas de figure, a indiqué un enseignant, interrogé à l'issue de l'AG. "Ils ont pris en otage tout le monde, puisqu'ils bloquent abusivement les deux campus. On n'a quasiment rien fait durant le premier semestre. Il y a des enseignants qui n'ont dispensé aucun cours." En effet, avec leur mobilisation, les étudiants bloquent l'accès aux deux campus, Aboudaou et Targa Ouzemour. Dans le deuxième campus, c'est plutôt le rectorat qui est assiégé. Les exclus y occupent les lieux, matin et soir, depuis plus d'une semaine maintenant. Et l'institution est désertée par le personnel du rectorat, qui ne peut plus travailler dans ces conditions. Forcément, l'AG des enseignants était très attendue, par les enseignants eux-mêmes et par la société civile. On assiste enfin à l'implication d'un acteur incontournable : les enseignants. Ils étaient entre 350 et 400 à y prendre part. Et qu'est-ce qui a été décidé concrètement ? Un, la condamnation de la violence et du blocage de l'université ; deux, le respect des décisions prises par les jurys de délibération ; trois, le refus catégorique de toute réintégration des étudiants exclus pour retard pédagogique ; et enfin, un suivi de la gestion de la crise par les comités pédagogiques. Toutefois, les recours, introduits conformément à la réglementation, seront étudiés. Un enseignant, qui est intervenu dans les débats, a indiqué à l'issue de la réunion que "tout le monde doit contribuer à tirer vers le haut notre université, sinon c'est la porte ouverte à l'aventure, qui sera préjudiciable à l'avenir de cette institution". Pour ce faire, expliquera-t-il, "l'étudiant doit être sensibilisé à accepter les modalités d'évaluation et de progression tout au long de son cursus". Une chose est sûre, dira-t-il, "les débordements répétés et les blocages systématiques risquent d'engendrer une destruction continuelle de notre université. Alors le diplôme ne sera qu'un document pour celui en quête d'une promotion sociale, mais il ne fera pas de lui un bon professionnel". À signaler aussi que les étudiants ont décidé, de leur côté, de réagir, car il y va de leur scolarité. Le mouvement des exclus, qui entame son troisième mois, se radicalise. Les étudiants ont raté le premier semestre, et le deuxième semestre risque d'être compromis aussi. D'où leur montée au créneau. M. O.