Contre toute attente, c'est le ministre des Affaires religieuses qui intervient pour tenter de mettre le holà à ce qui ne relève, dit-il, "ni de l'éthique, ni de la déontologie, ni de la passion des musulmans". Qui fait quoi dans la maison Algérie ? La question se pose avec acuité, surtout après la sortie récente du ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Mohamed Aïssa. Excédé par les passages de pseudo-imams ou de pseudo-spécialistes en religion sur les plateaux de chaînes télévisées privées, ce dernier a laissé entendre qu'il compte intervenir pour faire respecter le référent religieux national. Sans aller jusqu'à désigner nommément lesdites chaînes TV, qui sont connues de tous, principalement par le ministre de la Communication, Hamid Grine, et le président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, Miloud Chorfi. Voilà donc un ministre des Affaires religieuses qui reconnaît ne pas avoir d'autorité sur les chaînes de télévision et qui relève quand même l'excès de certaines d'entre elles, en interpellant notamment "les chaînes satellitaires" qui, selon lui, concèdent des tribunes à des personnes impliquées directement dans les malheurs des Algériens durant la décennie noire. Intervenant le 18 janvier dernier, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, Mohamed Aïssa a, en effet, révélé que ces chaînes TV sont "inconscientes" des dégâts qu'elles provoquent, estimant nécessaire d'aller vers leur réorganisation. "La course à l'audimat les pousse à l'extrême, sans mesurer l'impact de ce qu'elles diffusent sur la société", a-t-il précisé. S'exprimant sur les retombées des attentats contre Charlie Hebdo et sur les manifestations "spontanées" dans quelques villes d'Algérie, le membre du gouvernement a affirmé que les dérives enregistrées vendredi, à Alger, "ne relèvent ni de l'éthique et de la déontologie, ni de la passion des musulmans". Il a également fait état de l'existence, dans notre pays, de "personnes malintentionnées", capables de récupérer à leur profit le mécontentement de certains de nos concitoyens, choqués par les dernières caricatures sur l'islam, ou de provoquer "des situations qui ne relèvent pas de l'éthique des Algériens". Le ministre a aussi demandé à "consulter", préalablement, la liste des invités devant participer sur les plateaux des chaînes TV. Que cherche vraiment Mohamed Aïssa, un droit de regard, un droit de censure ou les deux à la fois ? À cette question, qui renvoie aux véritables intentions du ministre des Affaires religieuses, vient se greffer celle de savoir pourquoi MM. Grine et Chorfi, concernés par la situation du secteur des médias, continuent à garder le silence sur les dérapages émanant de chaînes satellitaires qui, à l'exemple des chaînes TV privées Echourouk et Ennahar, offrent des tribunes à des anciens membres du parti islamiste dissous (FIS) et de son aile armée (AIS). Des individus qui, dans un contexte d'ouverture de l'audiovisuel, sont brandis comme des "épouvantails" à la face des Algériens, faute de projet de société clair. Pourquoi alors le ministre de la Communication tarde-t-il à s'exprimer publiquement sur cette affaire qui continue à polluer la scène audiovisuelle ? C'est pourtant Hamid Grine qui, un mois après sa nomination à la tête du département, a appelé tous les acteurs impliqués de la chaîne de l'information à l'adhésion à ce qu'il a appelé "le cercle vertueux" de l'éthique, en mettant en avant la "professionnalisation" des journalistes et en défendant "la liberté d'expression", une liberté sans "insulte" et sans instrumentalisation. Dans une interview accordée à TSA et publiée le 30 octobre dernier, le ministre a été jusqu'à déclarer : "On n'a pas le droit de blesser, on n'a pas le droit d'insulter ou de mépriser, on n'a pas le droit de frapper bas. Le journaliste n'est pas au-dessus des règles de l'éthique et de la loi." En décembre dernier, suite à l'appel de l'islamiste salafiste, Abdelfettah Hamadache, à une condamnation à la peine capitale du journaliste-écrivain Kamel Daoud, il a réagi en dénonçant cette incitation au meurtre. Quant à l'ancien chef du groupe parlementaire du RND, président de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, Miloud Chorfi, il se complaît apparemment dans le silence, alors qu'il dirige une instance censée être à la fois le garant et le gardien de la liberté d'exercice de l'activité audiovisuelle, habilitée à veiller à la conformité aux lois et règlements en vigueur, des programmes diffusés. H. A.