Les cadres des fédérations affiliées à la Centrale syndicale veulent s'assurer d'être impliqués dans le processus de privatisation en cours. Sinon le gouvernement doit s'attendre à un “rejet pur et simple de la part des travailleurs”. La nouvelle stratégie industrielle élaborée récemment par le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, n'en finit pas de susciter des appréhensions au sein des syndicalistes des diverses entreprises inscrites sur le registre de la privatisation. En dépit de l'irréversibilité à bien des égards de l'option choisie par l'Exécutif — réitérée maintes fois d'ailleurs par le président de la République lui-même — en raison, d'une part, de la globalisation et, d'autre part, des engagements internationaux de l'Algérie, notamment avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les syndicalistes continuent d'exprimer des réticences, voire parfois une franche opposition. Réunis, mardi 30 octobre, au centre de la Mutuelle des matériaux de construction à Zéralda sous la tutelle de la fédération nationale des bâtiments, bois et lièges, affiliée à l'Ugta, les cadres syndicaux des groupes des ciments et dérivés ont exprimé "leur refus objectif" de la privatisation "sauvage et irréfléchie " que veut, disent-ils, "(nous) imposer le gouvernement ". Dans un communiqué rendu public, les syndicalistes qui soutiennent, au passage, que "cette privatisation va à contresens du programme du Président ", estiment que toute privatisation doit au préalable passer par la consultation du partenaire social. "Il est utile de rappeler que toute privatisation non réfléchie, et sans la participation du partenaire social et une étude au cas par cas des entreprises du secteur, et donc sauvage, ne peut que nuire aux travailleurs car tout ce qui se fait dans la précipitation aboutira à un échec absolu ", notent-ils. Cependant, il y a dans cette déclaration un certain flou qu'entretiennent ces syndicalistes, dont le secteur regroupe quelque 13 000 travailleurs, quant à leur “philosophie” de la privatisation. Autant ils se montrent réfractaires au concept même de privatisation globale, autant ils se disent disposés à l'étude au cas par cas, à la discussion sur le choix des entreprises à mettre en partenariat ainsi que sur les modalités de cessation, avec bien entendu l'association de l'Ugta. "Il est de l'intérêt de tous de garder la cimenterie comme étant un secteur névralgique vu que ces entreprises ont participé financièrement à la réalisation de plusieurs infrastructures de base (…) Oui à l'étude au cas par cas des entreprises pour le partenariat ! Non à la privatisation ! Non au bradage des entreprises !" déclarent-ils. Pour leur part, les cadres syndicaux et les délégués du personnel de l'entreprise nationale des corps gras (Encg) affiliés à la centrale, s'ils concèdent, au regard de certains impératifs, la formule de "partenariat", n'en exigent pas moins "la transparence totale de l'ensemble des démarches entreprises dans ce cadre, particulièrement la publicité en la matière (appels d'offres nationaux et internationaux, cahiers des charges, ouvertures des plis…)" , ainsi que leur participation, annonce un communiqué rendu public à l'issue d'une réunion tenue le 29 novembre au siège de la centrale syndicale à Alger. Tout en rejetant la procédure "de gré à gré, objet d'opacité et de suspicion ", les cadres syndicaux exigent et insistent sur la participation de leurs représentants à toutes les étapes du dossier, rappellent-ils. Une éventualité à laquelle ils ne manquent pas d'exprimer leur disponibilité. Samedi dernier, c'était au tour des représentants syndicaux des sociétés publiques du groupe presse et communication de réagir aux informations données par la presse et selon lesquelles lesdites sociétés feraient partie du lot des entreprises à privatiser. "Les syndicalistes soutiennent que les sociétés d'impression sont dans leur majorité performantes (…) et se démarquent solennellement de toute décision arbitraire et infondée". Cette effervescence qui s'est emparée du monde syndical en réaction à la décision gouvernementale ne manquera pas de s'exacerber davantage lorsque les pouvoirs publics auront à déterrer la loi sur les hydrocarbures même si, a priori, à se fier aux propos du chef de l'Exécutif, les "entreprises stratégiques ne seront pas privatisées". C'est dire, en définitive, que les pouvoirs publics auront fort à faire pour passer le projet. Entre le pragmatisme et les risques de tensions sociales, l'exercice s'annonce périlleux pour l'Exécutif. K. K.