La chute des cours du pétrole a engendré des avantages pour certains pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) contre des inconvénients pour d'autres, a indiqué la Banque mondiale dans son dernier bulletin trimestriel. Cette institution financière internationale a examiné les répercussions de la baisse des cours du brut sur un échantillon de pays de la région Mena, dont 4 pays exportateurs (Iran, Irak, Yémen et Libye), ainsi que les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), et quatre importateurs (Egypte, Tunisie, Liban et Jordanie). Pour la BM, si les prix du brut restent bas pendant une période prolongée, les pays du CCG devraient faire face à une perte de revenus pétroliers de 215 milliards de dollars, soit plus de 14% de leurs PIB combinés. L'excédent budgétaire d'environ 10% du PIB enregistré dans les pays du CCG en 2013, et dont les revenus tirés du pétrole et du gaz ont représenté près de la moitié de leur PIB et 75% de l'ensemble de leurs recettes d'exportation la même année, pourrait laisser la place à un déficit de 5% en 2015. À cet effet, bien qu'ils disposent de réserves suffisamment importantes pour couvrir un déficit de cette ampleur, il semblerait qu'ils soient en train de revoir leurs dépenses, telle l'Arabie saoudite qui, en dépit de ses 700 milliards de dollars de réserves, s'apprête à augmenter les prix de l'énergie dont celui de l'essence, relève la BM. Pour l'Irak, en dépit de la hausse record de la production qui a atteint 2,9 millions de baril par jour, les recettes pétrolières se sont, toutefois, effondrées entre mai et décembre 2014, puisque les exportations mensuelles sont tombées de 8 à 5,4 milliards de dollars. Une poursuite de la baisse des prix du pétrole mettrait encore plus de pression sur les finances de l'Irak dont le budget 2015, qui était basé sur un prix du baril de 70 dollars, est en cours de révision pour faire des économies en gelant les embauches dans le secteur public. Le Yémen est également perdant dans la conjoncture actuelle, car les recettes se sont élevées à un total de 1,4 milliard de dollars entre mai et septembre 2014, contre 2,4 milliards de dollars pour la même période en 2013. Pour protéger sa monnaie et compenser la chute de ses recettes pétrolières, le Yémen a dû puiser dans ses réserves de changes. Concernant la Libye, le prix à payer pour les recettes pétrolières perdues sera "lourd" si les factions politiques ne parviennent pas à trouver un accord, prévient la même source, qui précise que la production de pétrole de la Libye ne représente actuellement qu'un cinquième de ce qu'elle était avant la crise. Le pays a accumulé des réserves financières substantielles, mais la combinaison de prix bas et de production faible ont forcé le gouvernement libyen à y puiser. Evaluées à 100 milliards de dollars en août 2014, ces réserves ont chuté de 20% depuis le début de l'année et pourraient être épuisées en seulement quatre ans si la situation actuelle perdurait. En Iran, du fait que le pétrole représente près de 80% de l'ensemble des recettes d'exportation et de 50 à 60% des recettes de l'Etat, l'économie du pays pourrait connaître une croissance substantielle si un accord était trouvé dans le cadre des négociations sur le nucléaire et que les sanctions pétrolières seraient levées. Or, si aucun accord n'est trouvé, la baisse des prix du pétrole pourrait se traduire par une chute de 60% des recettes budgétaires, qui tomberaient à 23,7 milliards de dollars en 2015, alors qu'elles avaient atteint un niveau record de 120 milliards de dollars en 2011-2012. Ce scénario conduirait à une baisse de 20% du PIB du pays, ramenant la croissance à zéro (contre 1,5% en 2014), sans compter les tensions considérables sur le plan de l'inflation, du chômage, du déficit budgétaire et de la situation monétaire. Abordant les pays importateurs de pétrole de la région, la BM indique qu'en Egypte, où la consommation de pétrole croît au rythme de 3% par an, le recul des prix du brut permettra de faire d'importantes économies sur les 100,4 milliards de livres égyptiennes qui ont été inscrits au budget au titre des subventions à l'énergie, ce montant ayant été établi sur la base d'un prix du baril de 105 dollars. La chute des prix du pétrole constitue également "un choc positif" pour la Jordanie où l'Etat pourra économiser les 300 millions de dollars budgétisés en 2015 pour compenser la suppression des subventions aux combustibles fossiles pour les foyers. Cependant, si les prix du pétrole restent bas à moyen terme, la Jordanie pourra voir fondre le volume des envois de fonds provenant de ses ressortissants partis travailler dans les pays du Golfe dont proviennent plus de 60% des transferts d'argent destinés à la Jordanie. Au Liban, les importations pétrolières, qui représentent en moyenne 8,3% du PIB, constituent une part significative de son déficit commercial : un pétrole moins cher pourrait contribuer à l'alléger. La Tunisie, dont le budget 2015 est basé sur un baril de 95 dollars, verra ses dépenses, au titre des subventions à l'énergie, reculer : une baisse de 15% du prix de l'énergie couplée à une baisse de 5% du prix des produits alimentaires pourrait faire augmenter le revenu réel des pauvres de 3%.