Sa notoriété grandissante sous le maillot d'un FC Porto avec lequel il s'illustrait à chaque soirée de Champions League conjuguée à ses sorties remarquées avec la sélection nationale ont valu à Yacine Brahimi un traitement de choix lors de cette 30e Coupe d'Afrique des nations achevée hier. Pour avoir bleui au maximum les tibias de l'ancien Rennais, l'Ivoirien Serey Die a, d'ailleurs, révélé au grand public les consignes claires et dénuées de toute ambiguïté des entraîneurs respectifs des adversaires des Verts lors de cette CAN : mettre à terre Brahimi équivaudrait à rendre inoffensive cette Algérie qu'on présentait volontiers comme favori logique de cette édition équato-guinéenne eu égard à son impressionnant arsenal offensif. Et force est de constater, a posteriori, que le plan anti-Brahimi a marché à merveille, tant le milieu de terrain portista n'a jamais pu évoluer à son vrai niveau, mis à mal par un marquage individuel impitoyable et sans concession, une organisation de jeu qui a montré ses limites et des conditions climatiques qui ont fini par étouffer son génie créateur. Le plus célèbre numéro 10 du football algérien, Lakhdar Belloumi n'en pense d'ailleurs pas moins. "Déjà, pour un numéro dix, la priorité des priorités est de faire jouer les autres. Son rôle premier est de faire tourner l'équipe, de pourvoir en ballons exploitables les attaquants, d'orchestrer et d'orienter le jeu. Son jeu est et doit être collectif. Or, et cela tout le monde l'aura remarqué, Yacine Brahimi avait tendance à trop garder la balle. Dans de très nombreux cas, il se l'est joué trop solo. Par moments, il a même été trop individualiste, cherchant à tout prix l'exploit individuel au lieu de favoriser le collectif. Le jeu de l'équipe nationale s'en est cruellement ressenti. Il suffisait dès lors, aux sélections adverses, de mettre à terre Brahimi pour casser toute éventuelle manœuvre offensive algérienne. C'est pour cette raison que ses gardes-du-corps successifs le rouaient de coups dès qu'il avait la balle, sachant pertinemment qu'en faisant faute sur lui, ils étaient quasiment certains d'arrêter le jeu de la machine offensive algérienne", estime à ce sujet le consultant de choix de Liberté.
"Le schéma de Gourcuff lui a fait porter un fardeau" Pour l'ancien meneur de jeu de l'EN, "le schéma tactique tel que mis en place par Christian Gourcuff semble plus avoir handicapé Brahimi qu'il ne l'a libéré". "On a trop focalisé sur lui. Il a cristallisé toutes les attentions de par l'énorme poids de l'équipe qui pesait sur ses frêles épaules. On lui a fait porter un fardeau. Brahimi ne semblait, d'ailleurs, jamais à l'aise en meneur de jeu axial. Le fait est là. Comme il n'était pas dans son élément, il cherchait constamment la prouesse individuelle, tentant à chaque fois le dribble ou la feinte pour avancer au moment où la passe paraissait plus indiquée. Cela, les milieux de terrains adverses évoluant dans sa zone, à l'exemple de l'Ivoirien Serey Die l'ont très bien compris. L'ancien Sétifien a même exploité à merveille le côté soliste de Brahimi. Comme il savait à l'avance qu'il gardait trop la balle, Serey Die, comptant sur une condition physique irréprochable et sur un jeu musclé et agressif, a carrément mis au tapis Brahimi, mettant en panne une machine offensive algérienne elle-même en mal d'imagination", fera remarquer le Ballon d'Or France-Football de 1981. La transition était, du reste, toute trouvée pour faire le parallèle entre les exigences du poste telles que vécues et ressenties à son époque par le meilleur joueur d'Afrique qu'était Belloumi et le constat dressé au vu des prestations de Brahimi lors de la CAN. "Je savais que j'aurais droit à un marquage à la culotte. J'étais conscient qu'on pouvait me blesser à tout moment. Je n'ignorais aucunement qu'à chaque sortie africaine, un plan anti-Belloumi serait mis en place pour tenter de me stopper ou, au mieux, diminuer mon influence sur le jeu de la sélection. C'est pour cela qu'il fallait jouer en déviation, à une touche de balle, se faire oublier, compter sur le collectif, varier son jeu, alterner jeu court et jeu long ! Les automatismes avec les autres coéquipiers sont très importants à ce niveau de la compétition. Avec mes coéquipiers de l'époque, Assad et Madjer notamment, l'on se retrouvait les yeux fermés. On savait que lorsqu'untel faisait telle course, il souhaitait le ballon à tel endroit du terrain ou du corps. On savait également que lorsque la balle arriverait chez l'autre, elle n'allait pas s'éterniser dans ses pieds et que l'action serait encore plus belle si elle était collective. On réfléchissait collectif et on jouait collectif ! Il demeurait alors quasi impossible de nous arrêter. Le marquage individuel perd de son pouvoir lorsque le ballon circule rapidement, dévie de sa trajectoire initiale telle que prévue par l'adversaire. Être dépositaire du jeu ne veut pas forcément dire enchaîner les dribbles et les feintes du corps !", souligne, à ce propos, l'ancien numéro 10 de génie de l'EN. R. B.