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Mourad Achour : "Si cette musique a souvent été conjuguée au masculin, ce n'est plus le cas aujourd'hui" LE SPECTACLE CHAÂBI AU FEMININ SERA PRESENTE DIMANCHE À ALGER
Journaliste sur Beur FM depuis 19 ans, Mourad Achour est initiateur et créateur du spectacle Chaâbi au féminin, qui sera présenté dimanche 8 mars à 15h à la salle Ibn Khaldoun (en partenariat avec l'Aarc). Dans cet entretien, il revient sur ce fabuleux projet musical, qui réunit six chanteuses de talent qui interprètent de "grands morceaux de chaâbi". Liberté : Comment est né le projet Chaâbi au féminin ? Mourad Achour : J'ai lancé le spectacle Chaâbi au féminin en mai 2013, durant la saison 2012-2013 ; j'officiais en tant que directeur artistique de soirées dans une salle parisienne où je mettais en scène un chanteur chaâbi un samedi par mois. J'avais juste envie de faire chanter du chaâbi à une femme, et comme il n'y avait aucune chanteuse sur la place de Paris, j'ai carrément décidé d'en former tout un groupe. Six femmes obtiendront leur place dans cette aventure inédite où elles tenteront de conquérir les cœurs des vrais mélomanes, mais surtout le grand public français et du monde. Six chanteuses participent à ce spectacle, comment les avez-vous choisies (et trouvées) ? Le choix des chanteuses fut plus ou moins simple. Je me suis mis en quête des meilleures voix à Paris. J'ai dû les chercher dans les écoles arabo-andalouses, certaines de la pop, ou de la variété. Je n'en ai sélectionné et gardé que six, essentielles évidemment. Depuis le début de l'aventure, il y a eu neuf chanteuses qui sont passées par Chaâbi au féminin. Pour certains – et je l'espère les moins nombreux possible – des chanteuses du chaâbi au féminin n'évoquent rien ou trop peu, voici une petite piqûre de rappel : Amina Karadja est une chanteuse de l'arabo-andalou de Tlemcen, Hassina Smaïl est chanteuse de l'arabo-andalou d'Alger, Hind Abdellali est chanteuse de l'arabo-andalou de Mostaganem, Malya Saâdi est chanteuse chaâbi world d'Alger, Nacéra Mesbah est chanteuse de chanson algérienne et Syrine Benmoussa est une chanteuse du malouf tunisien. Qu'en est-il du répertoire interprété sur scène ? Ce n'est pas facile de faire un choix de programme avec autant de simplicité pour toucher un large public. Il ne faut pas se tromper. Il faut de la passion, de l'intensité et des sentiments jaillissants... Pendant plus d'une heure et 45 magnifiques minutes, les chanteuses interprètent un répertoire de chansons que le public connaît par cœur par des voix d'hommes. Et mon intention est bel et bien de lui rafraîchir la mémoire. J'ai choisi de grands morceaux du chaâbi, en trio, en duo ou en solo, entre autres El-Barah, Wallah Madrit, Aman Aman, Kifach Hilti ou encore Qahwa wa latay. Elles sont aussi heureuses de chanter ensemble un hymne du chaâbi tel que l'Hmam du maître hadj M'hamed El-Anka. Avez-vous revisité ou réarrangé les morceaux ? Il arrive quand tu prépares un programme avec des artistes femmes qui chantent, qui interprètent des morceaux connus par des voix hommes, que tu n'aies qu'une envie : les voir repris à l'identique, mais l'apport et la sensibilité féminine donnent un nouveau souffle au chaâbi qui n'a rien à envier aux hommes. L'association des chefs-d'œuvre masculins et la douceur féminine produit une version absolument sublime, une déclaration comme on n'en fait plus de nos jours. Pas facile d'apporter alors des arrangements, j'ai donc laissé les versions telles qu'elles ont été chantées par des hommes en utilisant la formation musicale traditionnelle du chaâbi. Je n'ai apporté aucun arrangement, il n'y a aucune déformation des esthétiques de cette musique. J'ai confié la direction musicale à Noureddine Aliane (mandole). Il y a aussi Yazid Touahria (banjo), Kahina Afzim (qanoun), Mokrane Adlani (violon), Nacer Fertas (tar) et Nasser Haoua (derbouka). Pourquoi "le chaâbi au féminin" ? J'entends par-là, le chaâbi est un genre typiquement masculin, donc voir interpréter ce répertoire par des voix féminines est pour le moins original. Si la musique chaâbi a souvent été conjuguée au masculin, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Une situation qui n'est pas pour déplaire au chaâbi au féminin qui révolutionne un peu tout ça. J'aime aller à contre-sens. J'essaie de briser des clichés ; le pouvoir du chaâbi n'est plus l'unique apanage de l'homme. Je voulais aussi montrer toute la sensualité du chaâbi masculin par les voix féminines. Cette musique a des aspects féminins, qui procurent de vives émotions, notamment lorsqu'un homme chante l'abandon d'une femme, qu'il la pleure. Le côté masculin, viril, que l'on associe au chaâbi, est parfois erroné, puisque les mêmes sujets peuvent aussi bien concerner les femmes et être abordés par des femmes. Dans le spectacle Chaâbi au féminin, les chanteuses entendent montrer qu'elles peuvent défier les hommes dans l'art du chant et de l'évocation du chaâbi, en lui apportant une sensibilité féminine et une dimension plus douce. Qu'est-ce qui vous a poussé à concevoir et monter un tel projet ? Le spectacle Chaâbi au féminin, c'est un peu le résultat de mes 19 ans de radio sur Beur FM où, pendant 10 ans, j'ai fait des émissions autour de l'histoire de la musique. Le chaâbi occupait d'ailleurs une grande place dans cette émission, et puis c'est une musique que j'ai toujours affectionnée. Chaâbi au féminin est destiné également à rendre hommage aux auteurs, compositeurs et interprètes de musique chaâbi. Mon projet, c'est un peu rechercher aussi, pour ne pas rester dans le copier-coller de la musique chaâbi. Mon idée ne ressemble à rien de ce qui a été déjà fait. Mon but n'est pas de faire uniquement chanter des femmes du chaâbi. Je veux que cette musique soit mise en valeur, pour qu'elle puisse prendre toute sa dimension universelle, pour être écoutée partout et par tout le monde. Je veux amener le chaâbi sur les grandes scènes des festivals, pour préserver cette musique. Les voix de femmes peuvent emmener le chaâbi loin, parce que je n'aime pas les stéréotypes sur la culture chaâbi. S. K.