C'est parce que le chaâbi fait partie intégrante de l'identité et de la mémoire algériennes, que six femmes ont décidé de relever le défi en reprenant quelques pièces musicales du répertoire de ce genre. Une idée ingénieuse initiée, en 2013, par l'animateur de Beur FM, Mourad Achour. C'est à la suite de l'organisation de soirées artistiques hebdomadaires chaâbies, à Paris en 2013, que Mourad Achour a eu envie de diversifier les plaisirs en programmant une femme chantant le chaâbi. Par la suite, il a eu l'idée de former un groupe de six chanteuses pour pouvoir présenter un spectacle de 1 heure 45 minutes. Si le spectacle en question a tourné plusieurs fois en France, en Algérie il s'est distingué, dimanche après-midi, par son baptême du feu. Un monde impressionnant est venu s'agglutiner deux heures avant le concert au niveau de la salle Ibn Khaldoun. Une fois à l'intérieur du hall, certaines femmes n'ont pas trouvé mieux que de se «scotcher» aux portes menant à la salle de spectacles. L'attente était tellement longue et contraignante pour certaines dames en position debout que les applaudissements se font attendre. La porte s'ouvre vers 15h avec un grand soulagement et cette envie de découvrir au plus vite ce spectacle chaâbi au féminin. Un spectacle haut en couleur, qui a laissé plus d'un pantois devant cette maîtrise du chant chaâbi, qui a toujours été l'apanage de la gent masculine. D'un pas décidé, les six chanteuses - vêtues d'une tenue classique noire - font une entrée fracassante, et ce, sous des applaudissements et des youyous nourris. Elles occupent l'espace de la scène en deux groupes. Au centre, l'orchestre marque son territoire avec ses six talentueux musiciens représentés respectivement par Kahina Afzim au quanoun, Amine Khettat au violon, Yahia Bouchala au banjo, Nacer Haoua à la derbouka, Nacer Feras au tâar, et Nourreddine Aliane à la mandole. Un langoureux instrumental donne le la à ce concert chaâbi conjugué au féminin. Les six belles voix féminines de Malya Saâdi, Hassina Smaïl, Syrine Benmoussa, Hind Abdellali, Amina Karadja et Nacera Mesbah revendiquent haut et fort leur appartenance à ce genre musical populaire qu'est le chaâbi à travers la chanson Nahnou el chaâbiyate. Place ensuite à un solo interprété par l'inégalable Malya Saâdi, digne fille de son père, le chanteur chaâbi H'cissen Saâdi - élève de Hadj M'hamed El Anka. Elle revisitera sans fausse note la célèbre chanson Soubhna Allah Y a L'tif. Se déhanchant au gré de la musique, Malya a su transmettre de sa voix suave bien des émotions et des souvenirs irrévocables à jamais. L'héritière du patrimoine mostaganémois, Hind Abdelli, prend le relais en exécutant un autre titre aussi saisissant, Win Chebet habibi. D'autres solos, duos, trios et prestations collectives sont à l'honneur. Ces six dames unies par la même passion de la musique et du chant ont repris de grands chefs-d'œuvre du châabi et de la mémoire. Parmi ce répertoire choisi, citons entre autres les morceaux El Barah, Wallah Madrit, Aman Aman, Kifach Hilti, Wahdani Ayach, Qahwa wa latay, ou encore Lahmam du maître Hadj M'hamed El Anka. Des titres, rappelons-le, qui ont été merveilleusement interprétés par des monstres de la chanson algérienne, à l'image de Hadj M'hamed El Anka, Mekraza, Hacène Saïd, Amar El Achab, Boudjemaâ El Ankis, Guerrouabi, Amar Aït Zahi dit Ezzahi, Hacène Larbi dit H'cissen ou Abdelkader Chaou. En somme, le chaâbi au féminin est un beau spectacle qui gagnerait à être reprogrammé en Algérie.