Résumé : Au grand soulagement de Mordjana, Hasna revient, et Aïssa cesse de la persécuter. Malgré les remontrances de son épouse, Aïssa déjeune avec les deux femmes avant de s'éclipser. Mordjana repense à ses dires... Son beau-père lui avait-il raconté la vérité sur son mariage avec Samir ? Devait-il réellement l'épouser lui-même ? Hasna qui était en train d'éplucher une orange dépose son couteau et le bruit fera sursauter Mordjana. Elle relève promptement la tête, et croise les yeux pétillants de sa belle-mère. -Tu n'es pas ici Mordjana.... -Hein ? -Je t'ai demandé deux fois si tu voulais une orange ou autre chose, mais ton esprit était ailleurs... -Heu... Oh ! Désolée... Je n'ai pas entendu... Je vais prendre une pomme. Un jour quelqu'un lui avait révélé que les belles-mères revivaient leur jeunesse à travers leurs belles-filles. C'est pour cela qu'elles rendaient la vie impossible à leurs brus. Elles se vengeaient en quelque sorte de ce qu'on leur avait fait subir dans leur vie. Hasna était-elle de cette branche de femmes qui n'oubliaient jamais ? Un bruit de chaise et un soupire lui fera prendre conscience que sa belle-mère l'observait et tentait de lire dans ses pensées. Mordjana s'empresse de manger sa pomme, et se lève pour débarrasser la table. Elle s'apprêtait à faire la vaisselle, lorsque Hasna lance d'une voix forte : -Ne touche à rien, c'est moi qui vais faire la vaisselle. Toi tu vas dans ta chambre. -Heu... mais je n'ai rien à faire dans ma chambre Yemma Hasna. Je n'ai pas l'habitude de faire la sieste. Laisse-moi t'aider à laver ces assiettes. -J'ai dit non ! Si tu ne veux pas dormir, mets la télé, prends un livre, ou mets-toi du vernis sur les ongles, qu'est-ce que j'en sais moi ? Tu es encore une mariée toute fraîche. Je n'aimerais pas que Samir me reproche de te faire travailler comme une boniche. N'ayant pas le choix, Mordjana se dirige vers sa chambre. Elle avait appris des choses durant cette journée passée seule avec ses beaux-parents. Elle se dit, non sans un pincement au cœur, que Samir ne l'avait épousée que par pitié ! Elle secoue sa tête comme pour la vider de ses idées. Samir était intelligent... Il avait peut-être évité le pire à ses parents, mais avait aussi bradé son avenir. Peut-être, était-il en relation avec une jeune et jolie fille ? Une fille qu'il a connue à l'université ou sur les chantiers... Peut-être, qu'ils avaient aussi fait des projets ensemble? Et maintenant ? Maintenant, qu'elle-même était là par la force des choses, Samir va devoir tirer un trait sur son avenir et oublier tous ses projets personnels. Elle était l'intruse, celle par qui la poisse arrive ! Elle avait envie de crier son désarroi, de pleurer sa peine et de se lamenter sur son sort. Mais quelque chose avait bloqué ses émotions. Elle sentit un poids sur sa poitrine, et les coups effrénés de son cœur résonnaient dans ses oreilles. Elle se laisse tomber sur le sofa, et met la télé comme pour faire croire qu'elle était à l'aise dans la maison, et heureuse d'être dans la famille. Elle augmente le son et tente de se concentrer sur le feuilleton qui passait. Soudain, elle sentit une présence dans son dos et se retourne vivement. Aïssa se tenait au seuil de la porte. Il avait troqué ses vêtements contre une longue gandoura et portait une chéchia. En temps normal, et s'il n'était pas cet ivrogne tant célèbre dans la famille et dans le quartier, on le prendrait facilement pour un hadj qui revenait de la mosquée. -Je savais que je te trouverais ici. -Heu... oui... je regarde la télé. Yemma Hasna m'a empêchée de faire la vaisselle. Il rit de son rire ironique avant de lancer : -Hasna fait les choses à sa manière. Elle voulait démontrer que c'est elle la patronne dans cette maison. Ah ! Les femmes ! Toutes pareilles ! La jalousie leur joue souvent de mauvais tours, mais elles reviennent toujours à la charge sans comprendre les messages de la vie. Comme Mordjana gardait le silence, il vint s'asseoir auprès d'elle et lui demande : -Et toi ? Comment vas-tu te conduire avec ta belle-mère ? Tu es la femme de son fils aîné, celle que j'aurais pu épouser moi-même... Mordjana lève une main suppliante : -Père Aïssa... s'il te plaît, je ne veux plus entendre ça. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre toi et mon père, mais je ne pardonnerai jamais à ce dernier de m'avoir mariée de cette manière. Je suis devenue en quelque sorte un pari entre vous. Tu es le père de mon mari, je ne veux pas en savoir davantage. Je suis déjà assez ébranlée par ce que je viens d'apprendre... -Et pourquoi donc ? La vérité te fait mal ? Elle hoche la tête : -La vérité... La vérité me fait mal, car jusque-là, on me l'avait cachée. Si j'avais su que Samir s'était proposé de m'épouser pour éviter un drame dans la famille, je me serais suicidée bien avant ce mariage. -Que dis-tu là, petite folle ? -La vérité père Aïssa. Tu viens de me mettre au courant d'un fait que j'ignorais. Je vois plus clair maintenant dans toute cette gentillesse que Samir déploie pour me plaire. Il veut se rassurer... se dire qu'il ne faisait pas fausse route... Je suis telle une balle de ping-pong échangée entre deux comparses. Le premier avait gagné la partie, mais avait laissé libre cours au second de disposer de sa victoire, car cette dernière allait lui sauver la mise. Un jeu pervers, dont je suis la première victime. Mon père avait voulu gagner une partie perdue d'avance, et Samir avait sauvé la face, en faisant croire que je suis la femme de ses rêves... Tout le monde, avait donc joué et gagné mais moi j'ai tout perdu.... (À suivre) Y. H.