Peu de technique et beaucoup de politique La liberté d'expression est la mère de toutes les libertés. L'émergence d'une presse écrite indépendante dans notre pays est accompagnée d'un “monopole” involontaire du débat politique. Cette situation irrite et gêne le pouvoir en place et elle est tolérée dans la mesure où elle lui sert d'alibi démocratique. Elle est l'arbre qui cache la forêt de la réalité algérienne. Les institutions, chez nous, n'ont de démocratique que le nom et sont sans ancrage réel dans la population. Ce sont des réseaux d'allégeance autour d'intérêts opaques. Elles pratiquent l'exclusion et la réduction politiques et veulent imposer le monologue et écarter le dialogue. La campagne électorale présidentielle de 1999, porteuse de tant d'espoirs, s'est terminée par le retrait de six candidats ne voulant pas cautionner un jeu dont les dés étaient pipés. Le “consensus”, une fois installé, a pratiqué l'exclusion politique et le mépris de toute bienséance morale, civique et protocolaire. Les tentatives de structuration politique de Taleb et Ghozali ont été jetées dans le panier du déni de droit. Quant à Hamrouche, avisé d'un refus annoncé, il a été contraint de surseoir. C'est dans ce contexte qu'est venu le conflit entre Liberté et une imprimerie du secteur public, qui, chez nous, est avant tout un secteur gouvernemental. Le préjudice subi par le journal ne peut être ramené à des considérations techniques et le caractère politique qu'a pris l'affaire s'explique. La ligne éditoriale du journal et ses larges diffusion et vente en Kabylie font que les Algériens considèrent que, dans cette affaire, il y a peu de technique et beaucoup de politique. Et le caractère sournois des pratiques du pouvoir ne fait que conforter cette opinion. Nous n'avons pas l'habitude à Liberté d'ennuyer le lecteur avec nos problèmes professionnels sauf lorsque l'exercice de notre mission est menacé par le pouvoir ou par le terrorisme. Il se trouve que les entraves opposées à notre journal depuis plus d'un mois au niveau de la Société d'impression d'Alger (SIA), et qui se sont traduites notamment par la non-parution de l'édition du 18 décembre 2002, sont d'ordre politique. Nous l'avons dit. La question dépasse les aspects technique et commercial, sachant que ceux-ci ont été affrontés avec constance et responsabilité par le journal depuis sa création en juillet 1992. Aujourd'hui, la colère du collectif rédactionnel est légitime. Les griefs que nous avons tenu à exprimer dans notre édition du 19 décembre 2002 étaient adressés, d'abord, aux responsables de l'entreprise d'impression, mais également contre tous ceux qui, à un certain niveau du pouvoir, s'emploient à mettre un frein à la liberté d'expression et à porter atteinte aux organes de presse indépendants. Il est superflu de rappeler aux détracteurs de Liberté, anciens et nouveaux, qu'il n'est pas dans les usages du journal de s'en prendre à un confrère, petit ou grand, même si certains ont tenu à leur manière à confirmer leur juste “taille”. On ne saurait pourtant laisser sans réponse des propos dont la trivialité, la bassesse et la mauvaise foi laissent loin derrière toute espèce de vérité. Qu'il soit donc bien compris que nous sommes fiers d'être des gardes rapprochés du journal chaque fois qu'il est attaqué par ceux dont la réputation n'en est plus à une tache près ; qui se font un point d'“honneur” de passer d'un camp à celui qui lui est opposé et d'assumer la compromission sans état d'âme. Mieux encore, de s'en enorgueillir publiquement. Il est vrai que lorsqu'on a marqué sa carrière d'étapes comme celle de zélateur structuré au sein d'El Moudjahid, du même parti qu'on a vilipendé quelques années plus tard sans scrupule, on ne répugne pas à être à la solde de qui le veut bien. Nous déplorons fortement les attaques frontales et sans fondement lancées hier par deux quotidiens qui se sont cru obligés de répondre à la place des vrais décideurs, lesquels ont pourtant admis, par la force des choses, la place de la presse indépendante dans le pays tout en continuant à faire traîner les journalistes dans les tribunaux pour les intimider et les empêcher d'aller plus loin dans leurs investigations au service de la vérité. Alors, à tous les gardiens d'un temple dont ils sont exclus, nous disons : la menace contre la presse provient en grande partie de ceux que vous vous échiniez à défendre. Quant à cette invitation au duel verbal malsain, nous la déclinons en disant encore une fois à ceux qui veulent en faire leur “une” et leur “der” que la vérité est ailleurs.