La récente conférence gouvernementale autour du commerce extérieur a été largement relayée par les différents médias, et continue à alimenter beaucoup de débats. Et pour cause, une conférence autour du commerce extérieur, dans un pays importateur par excellence, mérite une telle attention. D'autant plus que le sujet majeur était de diversifier cette économie reposant principalement sur une balance commerciale maintenue positive (jusqu'en 2014) uniquement par les exportations d'hydrocarbures. En épluchant les articles de presse au sujet de cette conférence, je recherchais ce que je pensais être une évidence, mais j'ai été déçu : aucune mention nulle part du numérique. Comment peut-on penser économie en 2015 en occultant complètement le sujet ? Comment peut-on passer à côté des chiffres arborés par tant d'autres pays en matière de numérique : le numérique ne sert pas uniquement à faire de la publicité, ou se connecter sur les réseaux sociaux, c'est un réel levier économique : celui-ci touche 72% de l'économie française, créé 10% d'emplois sur le marché américain, et constitue 3.3% du PIB du Sénégal ! Est-ce de l'ignorance ? J'en doute fort. Plutôt de la mal information. En revenant quelques mois en arrière, j'avais déjà constaté l'absence de sujets traitant le numérique en Algérie sur la toile, alors que beaucoup de nos voisins mettent en avant leurs avancées, mêmes minimes. Rien, aucune information sur l'état de l'écosystème numérique algérien. Existe-t-il seulement ? J'étais bien placé pour savoir que oui, les initiatives ne manquent pas, mais ne bénéficient pas assez de couverture dans l'ensemble des médias en Algérie. C'est ce qui m'a décidé à créer du contenu autour de l'écosystème algérien en écrivant sur Wamda (le site numéro 1 de l'entrepreneriat et des nouvelles technologies dans le monde arabe). Je souhaitais situer l'Algérie sur la carte numérique régionale, et internationale. Je ne sais pas si j'ai effleuré mon objectif, toujours est-il que d'autres médias étrangers m'ont contacté, curieux de ce qui se passe réellement en Algérie et de notre situation dans la région, j'ai eu le plaisir d'être invité à des conférences internationales pour en parler. Ce n'est peut-être qu'un simple effet boule de neige, n'empêche qu'il a fallu aborder le sujet pour attirer une ébauche d'attention. Il faut dire que le potentiel est là : on pourrait ressortir toute notre vieille batterie de chiffres qu'on ressasse depuis des années ; la proportion de jeunes, le nombre croissant d'utilisateurs d'Internet, une position géographique privilégiée, au cœur d'une région connaissant des croissances continues et surtout une conscience technologique dans une société diversifiée. Mais cela ne suffira pas à faire bouger les choses. Parler de commerce extérieur, c'est bien, surtout si on y intègre une notion de diversification économique. Faciliter les exportations pour les entreprises algériennes, c'est certainement bien. Mais ce n'est pas mon domaine, donc je n'en parlerai pas. Commerce extérieur, diversification, dans ma tête, excusez l'hérésie, riment avec numérique. Oui, car produire numérique, on peut le faire. Si, si, je vous le jure Monsieur le ministre. Nous pouvons créer des softwares, du hardware, ou encore du contenu média. Nous pouvons utiliser des produits déjà existant pour développer des produits annexes. Nous le faisons déjà. Une start-up d'ingénieurs algériens a développé un CRM (système de gestion de clientèle) à partir des produits de Google et l'a lancé... au Qatar. Bref, non seulement nous avons le potentiel, mais nous avons le savoir-faire aussi. Et puis mettre en place des programmes de soutiens à ces mines d'or que sont les start-up coûtera beaucoup moins cher que des lourdes réformes industrielles, et c'est nettement plus rapide, les chiffres en notre possession en témoignent ! La preuve : la Jordanie est le 3e pays à créer du contenu numérique. Comment ? En investissant dans les infrastructures et l'accompagnement de start-up dans une gigantesque technopole. La capitale Amman est ainsi devenu en 5 ans une des 10 meilleures villes dans le monde pour lancer une start-up et le numérique contribue à hauteur de 12% au PIB. Car comme déjà évoqué plus haut, il ne suffit pas de lister notre potentiel pour déclencher une révolution numérique. De mon humble point de vue, des actions s'imposent, mon capitaine : Paiement électronique : indispensable. Pas d'autres mots pour qualifier cet outil si l'on veut réussir une avancée numérique. (J'ai publié un article sur le sujet : 10 bonnes raisons de booster le e-paiement en Algérie, sur Wamda.com) L'entreprenariat : je connais les programmes de soutien à l'entreprenariat, ils ont le mérite d'exister, mais ne sont pas adaptés au secteur du numérique, et aux start-up. Les soutiens privés, quant à eux, sont souvent assimilés à du mécénat, ou à un "simple" outil communication, sans réelle volonté de résultats, excepté pour quelques-unes. Ces initiatives sont très louables, cela étant l'entreprenariat ne pourra se développer que si un objectif économique est visé au-delà de ces programmes. Fertiliser l'environnement pour les start-up : Non je ne me répète pas. Toute initiative d'entreprenariat ne donne pas de start-up. Celle-ci a besoin d'un environnement beaucoup plus ouvert qu'une simple création d'entreprise ou un financement matériel, car une start-up a besoin de croître 100 fois plus vite et s'exporter à l'international plus facilement. Eduquer : une culture créative et un esprit entrepreneurial, ça s'apprend... à l'école, à l'université et à travers les médias. Pousser la jeunesse algérienne vers le succès et l'excellence est la mission de tous ! Ouvrir et faciliter l'export de services numériques, après avoir généralisé le paiement électronique. J'ai lu attentivement l'intervention de M. Rebrab promettant de multiplier les chiffres de l'exportation si les barrières logistiques venaient à être levées. Pour ma part, je ne mettrais pas autant de "si" à l'expansion du numérique : nul besoins de ports, de logistique et de grands moyens, le numérique pourra être exporté rapidement et sans aucun moyen supplémentaire qu'un environnement favorable et un produit de qualité. Et enfin, tirer profit de la diaspora algérienne : et si on arrêtait de voir la "fuite des cerveaux" comme un fléau et considérions cette "armée" de brillants algériens comme une chance ? Prenons, pour une fois, l'exemple du foot, qui sait si bien faire parler la fibre nationale chez des expatriés hautement qualifiés ? Des centaines de compatriotes réussissent ailleurs, en gérant des entreprises innovantes ou en travaillant pour des géants du numérique et des nouvelles technologies, et pour avoir travaillé avec certains d'entre eux, je peux vous assurer qu'ils n'ont qu'une envie, pouvoir contribuer au développement du pays. Encore une fois, ce ne sont là que des axes d'actions, qui jaillissent de l'état des lieux que j'ai constaté au fil de mes expériences. Une grande partie de mon temps et de celui de quelques concitoyens, résidant en Algérie ou ailleurs, est dédiée au développement de l'écosystème numérique dans le pays, et d'une façon plus générale, dans la région. L'heure est venu pour l'Algérie de saisir les opportunités économiques du numérique pour que nous soyons maître de nos intérêts dans une bataille économique qui a déjà commencé depuis de nombreuses années. Je suis résolument optimiste et engagé pour que l'ensemble des acteurs (public et privé) se mettent à réunir les conditions de la réussite de ce grand défi pour l'Algérie. A. M.