Les opérateurs, qui revendiquent une meilleure lutte contre l'informel, se plaignent également des lourdeurs dans le traitement des dossiers de financement, dans l'attribution de terrains et de mécanisme de protection contre le risque de change. Le patronat public et privé rencontrera aujourd'hui le gouvernement. Cette première bipartite, patronat-gouvernement, intervient dans une conjoncture économique particulière, marquée par la volonté des pouvoirs publics de donner un coup d'accélérateur aux réformes économiques, notamment dans son chapitre privatisation. Le patronat privé algérien, (la Confédération algérienne du patronat, la Confédération nationale du patronat algérien, la Confédération générale des entreprises algériennes et la Confédération des industriels et des producteurs algériens), qui participe, pour la première fois de son histoire, uni à une rencontre jugée importante avec le gouvernement, ira muni de trois documents : un mémorandum, un plan d'action et enfin, un rapport reprenant la situation économique et sociale avec analyses et propositions. La Coordination nationale du patronat qualifie, dans son mémorandum remis au gouvernement, l'événement “d'exceptionnel et d'initiative louable”. Elle souhaite que cette rencontre soit “une occasion d'une mise à plat des nombreux problèmes qui, pour certains, entravent durablement, pour d'autres, contrarient le fonctionnement des entreprises”. Les quatre syndicats du patronat comptent ainsi convaincre le gouvernement d'alléger les contraintes qui entravent le développement du secteur privé, à travers plusieurs mesures concrètes, contenues dans un plan d'action qu'ils ont proposé, mais également d'instaurer une “collaboration durable” et “un débat continu et, pourquoi pas, institutionnalisé”. C'est que, relève-t-on dans le rapport sur la situation économique et sociale, “le sentiment des membres de la coordination est que la consultation, soutenue depuis plus d‘une décennie avec l'Etat et les partenaires sociaux, a eu peu d'effets sur le champ d'activité. les principaux problèmes posés dans ce cadre perdurent. Les réformes engagées traînent et les solutions dégagées ne sont pas toujours en adéquation avec les conclusions et autres rapports des groupes de travail issus des tripartites”. Plus de huit points, avec des propositions concrètes, ont été proposés aux débats. Il s'agit du financement de l'investissement, du foncier industriel, de l'assainissement de l'activité informelle, de la mise à niveau de l'entreprise, de l'assainissement de l'environnement administratif, de la mise à niveau des dispositifs juridiques et réglementaires, de la fiscalité et de la privatisation. Le constat du patronat : banques, foncier, des contraintes à l'investissement Sur le chapitre du financement de l'investissement, la Coordination patronale constate que les réformes engagées n'ont pas réussi à adapter le fonctionnement du système bancaire à une économie concurrentielle, “bien au contraire, celles-ci semblent piétiner”, nous dit-on. Les quatre organisateurs affirment que l'accès au crédit “est contrarié par les conditionnalités et les pesanteurs du système bancaire national”. Il s'agit, en fait, des garanties matérielles obligatoires (hypothèques) exigées par les banques, de la centralisation de l'étude des dossiers au niveau des directions générales, des lourdeurs et traitements différenciés des dossiers, des délais de remboursement relativement courts, du taux d'intérêt élevé. Le patronat privé souligne que les règlements de la Banque d'Algérie, en particulier le régime des changes, “favorisent les transactions commerciales d'importation de produits finis au détriment de la production locale de biens et services et des exportations hors hydrocarbures”. Dans le domaine du foncier, note le patronat privé, “le processus de libéralisation engagé n'a pas permis de lever tous les obstacles”. Le foncier, comme l'ont confirmé les enquêtes sur le climat des investissements en Algérie, constitue une contrainte majeure. L'absence d'offres pour répondre à la demande, génère des prix spéculatifs, prohibitifs pour l'investisseur. L'investisseur, souligne le document de la Coordination du patronat, se trouve souvent face à une multitude d'institutions sans pouvoir décisionnel réel quant à l'affectation de terrain et à la gestion des espaces industriels. Du point de vue de la coordination, la création récente des SGP pour la gestion du foncier “ne risque pas de mettre un terme à la spéculation qui règne sur ce marché”. Pour eux, outre le temps consacré à la recherche d'un terrain et le coût des infrastructures et locaux de production qui représentent, en moyenne, 40% du montant des projets sont des charges à l'origine des retards mis à la réalisation de nombreux projets. La coordination note, par ailleurs, que la sphère commerciale est dominée aujourd'hui par une économie informelle de plus en plus importante, qui annihile tout effort d'investissement, remet en cause l'autorité de l'Etat, contribue à l'évasion fiscale et encourage la fuite de marchandises et de capitaux. Le patronat privé estime que “tolérer l'existence de zones de non-droit porte atteinte même à la notion d'Etat de droit”. Les propositions de la coordination Pour le financement de l'investissement, le patronat privé a avancé plus de 13 actions. Il propose, entre autres, la révision des taux d'intérêt bancaires, l'allongement des délais de remboursement des crédits, l'accélération des traitements de dossiers de crédit, la création d'une société de capital risque gérée par le patronat, l'effacement des intérêts et agios des entreprises, ayant connu une situation catastrophique liée à la période 1993-1998 et la remise en vigueur de la possibilité d'achat de devises à terme. Concernant le foncier industriel, le patronat privé propose la création d'une commission de recherche, de proposition et d'attribution de terrain d'assiette entre l'Andi et le patronat. Il souhaite le réexamen du processus de l'obtention du titre de propriété pour les projets d'investissement. Dans le cadre de la lutte contre l'activité informelle, la Coordination du patronat demande au gouvernement d'imposer la tenue d'une comptabilité des achats chez chaque détaillant, afin de remonter vers les filières informelles qui alimentent le marché. Elle suggère, par ailleurs, la mise en place d'un observatoire pour le marché informel et la refonte du Conseil de la concurrence. Sur le plan fiscal, 16 actions sont suggérées. La Coordination du patronat, entre autres, demande la suppression de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP) et le VF, l'exonération totale de l'IBS des bénéfices réinvestis, la franchise de la TVA pour tout investissement, une baisse du barème de calcul de l'IRG, la suppression des droits et taxes douaniers sur les matières premières. Concernant la privatisation, la coordination souhaite s'impliquer dans la recherche d'outils et de solutions de privatisation, mais aussi dans la recherche de partenaires-repreneurs. Elle propose donc la création de commissions mixtes d'information, de propositions et de suivi entre les SGP représentant le CPE et le patronat. Pour les responsables de la coordination nationale du patronat, la réussite des opérations de privatisation est subordonnée par l'octroi d'un accès préférentiel ou prioritaire, à l'entreprise de production de droit algérien, aux marchés publics qui représentent le principal centre d'intérêt des entreprises étrangères. M. R.