Photo : Riad De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Tous les porteurs de projets vous le diront sans ambages : les banques ne jouent pas totalement le jeu. Elles exigent des garanties excessives à tous les niveaux, et accordent parcimonieusement leurs visas. Certains vont même jusqu'à parler de bureaucratie, de favoritisme et de corruption. Naturellement, les banquiers s'en défendent en invoquant «les mauvais payeurs et les gros risques encourus» malgré les différents mécanismes initiés par l'Etat afin de sécuriser les financements. Entre les deux parties, les dispositifs publics chargés de la promotion des investissements se livrent à une entremise pas du tout facile. Des agences comme l'ANDI, l'ANSEJ, l'ANGEM ou CNAC interviennent ainsi, contre vents et marées, pour aplanir les écueils et promouvoir l'entreprise. Mais, en général, on s'accorde partout à souligner la nécessité de moderniser les institutions financières pour optimiser leur participation à l'œuvre de développement national. De l'avis des spécialistes, le retard pris dans l'adaptation des banques aux défis de l'heure freine considérablement la dynamique économique dans le reste des secteurs. Les jeunes investisseurs et les milieux d'affaires de manière générale se plaignent toujours des pesanteurs administratives et des lenteurs exagérées de l'appareil décisionnel. Cette mollesse, unanimement dénoncée, décourage visiblement la création de nouvelles entités et ralentit manifestement le développement du tissu économique existant. A Béjaïa comme partout ailleurs à travers le pays, les postulants aux dispositifs à l'emploi de jeunes (ANSEJ) et les promoteurs de petites et moyennes entreprises (ANDI) ne tarissent pas de critiques à ce sujet. Même ceux ayant déjà bénéficié de ces crédits bonifiés à la fondation de microentreprises avouent que c'est au niveau des succursales des banques que les choses se corsent souvent. Les organismes publics chargés de ce genre d'initiatives dénoncent, parfois, la même «inertie». L'antenne locale de l'Agence nationale de gestion du microcrédit (ANGEM) réitère dans un récent rapport les mêmes contraintes rencontrées auprès de ses banquiers, à savoir, est-il écrit, «la lenteur dans l'examen des dossier éligibles, le non-respect des clauses relatives au montage financier en arrondissant à la baisse le montant du crédit initial, et le rejet des dossiers relatifs à l'artisanat et à l'agriculture sous prétexte de saturation du créneau». La difficulté de financement des projets réduit également les efforts de la Caisse nationale d'assurance chômage (CNAC), liée aux banques par une convention de partenariat similaire. Depuis le lancement de l'opération quelques dizaines de projets seulement ont eu l'agrément des banques sur près d'un millier de dossiers soumis, dont près de la moitié avaient pourtant initialement bénéficié de l'attestation d'éligibilité du comité de sélection. En aparté, des cadres de la Caisse reprochent aux banques leur manque de collaboration d'autant plus qu'un fonds de garantie a été récemment créé pour rassurer les institutions financières. Si la formule est en soi une bonne chose, ses résultats sont pratiquement insignifiants sur le marché de l'emploi. Les concernés plaident pour l'ouverture de canaux de dialogue entreprise/banque et revendiquent plus de lumière sur l'octroi des crédits. Clients et observateurs évoquent, en effet, l'impératif d'une modernisation rapide du secteur et d'une transparence dans les transactions à travers la mise en place d'instruments d'évaluation et de contrôle efficaces. Les opérateurs économiques privés ne cessent ainsi de soulever les carences multiples du système bancaire. Les démarches auprès des établissements financiers relèvent «du parcours du combattant», soulignent nombre de chefs d'entreprise qui comptent davantage sur leurs propres trésoreries et recourent –le cas échéant- à l'emprunt auprès de l'entourage pour boucler leurs opérations dans les délais requis. Même dans ce cas de figure, d'autres contraintes viennent contrarier l'investisseur potentiel. Le manque d'assiettes foncières constitue à ce niveau un casse-tête extrêmement compliqué. Les promoteurs immobiliers, les industriels et les opérateurs agricoles se plaignent à chaque fois de ce problème épineux. Même les institutions de l'Etat ont de plus en plus de mal à acquérir des terrains pour les infrastructures dites d'utilité publique. Là encore, l'exploitation optimale du portefeuille foncier appelle une clarification des textes et un meilleur suivi exécutif. Il est anormal de laisser faire les spéculateurs qui accaparent des domaines publics à leur profit exclusif. Est-il nécessaire de citer, à ce sujet, le cas des prétendues EAC et EAI (exploitations agricoles), lesquelles disposent à leur guise d'un patrimoine national qui devrait profiter en priorité au développement du pays. En gros, le foncier et le crédit constituent des pierres d'achoppement qui refroidissent toutes les bonnes volontés. Il est aujourd'hui impératif d'y remédier en associant l'ensemble des acteurs concernés.