En 2013, plus de 17 000 Algériens ont recouru aux cliniques tunisiennes pour se soigner dans un pays qui a réussi à faire de son système de santé un secteur exportateur générant ainsi une cagnotte annuelle de 100 millions d'euros. La crise du début des années 1990 fut dure pour les Algériens. Leur quotidien était devenu pénible, pour ne pas dire invivable. Le couple insécurité-"stagflation", conjugué à des caisses vides, a mis à rude épreuve tous les secteurs d'activité et celui de la santé n'a pas été épargné même dans son segment le plus basique, soit les soins essentiels de santé. Pour être admis dans un hôpital, quand un lit était disponible, il fallait presque tout ramener avec soi, de la literie au fil chirurgical, en passant par le plus banal des antalgiques. C'est dans ces conditions que les Algériens découvriront la Tunisie comme destination de santé qui leur était plus ou moins accessible grâce à la libre circulation, à la langue partagée et au rapport qualité/prix des prestations. Au départ, les Algériens trouvaient en la Tunisie "leur grande pharmacie". Dès 1990, la pénurie des médicaments se faisait sentir avec acuité chez nous. On faisait le déplacement à Tunis juste pour acheter le médicament introuvable dans les officines et la majorité des hôpitaux du pays. À partir de 1996, face au déficit des spécialités en cardiologie, en ophtalmologie, en ORL, en gynécologie... les Algériens commençaient à faire le déplacement tunisien, non seulement pour acheter le médicament prescrit par leur toubib algérien, mais aussi pour consulter et se soigner. Rapidement, des séjours touristiques, en période estivale — en été ou lors des vacances solaires d'hiver et de printemps — sont combinés avec des passages pour consultations ou de soins notamment en ophtalmologie et en ORL. La demande algérienne allait crescendo et tout un système d'accompagnement s'est mis en place dès le début des années 2010. Pour les Algériens en quête d'un tourisme de bien-être, soit les séjours en centre de thalassothérapie, un réseau d'agences de voyages s'est spécialisé dans ce type de produits. Pour le reste des Algériens, à la recherche d'une médication pour des pathologies et soins plus lourds, des transporteurs algériens se sont reconvertis en commissionnaires assurant les prises de rendez-vous, le transport des patients et même leur installation en hôtellerie. Avec le temps, la liste des spécialités s'est allongée aussi bien pour faire face au déficit du système algérien de santé que pour répondre aux nouvelles demandes des Algériens de plus en plus exigeants en matière de qualité des soins et de vie. Aujourd'hui, il n'existe pas une seule ville d'Algérie qui n'a pas son ou ses transporteurs attitrés pour la Tunisie et qui sont sollicités, quotidiennement, pour l'achat de médicaments ou la prise de rendez-vous dans une clinique. Pour des centaines d'Algériens, atteints de cancers, seule la piste tunisienne les a sauvés d'une mort "annoncée" faute de séances de radiothérapies "programmées" en Algérie. En Tunisie, l'exportation des services de la santé est portée par un secteur privé dynamique, performant et concurrentiel. Ce marché tunisien est constitué par plus de 100 cliniques pluridisciplinaires et spécialisées représentant 16% de l'offre globale en Tunisie. Ces cliniques de droit privé, partie intégrale du système de santé tunisien, fortes de leurs 4 000 lits ainsi que d'une qualité des prestations médicales et para-hôtelières reconnues, arrivent à faire dans l'exportation qui représente plus de 36% de leurs activités. Rien qu'en 2013, ce sont plus de 376 000 patients étrangers qui ont bénéficié des prestations du système de santé privé tunisien générant un chiffre d'affaires à l'export de l'ordre de 100 millions d'euros. Parmi ces 376 000 patients, 17 000 ont la nationalité algérienne et viennent deuxièmes dans l'ordre d'importance après les Libyens et bien avant les clients issus des pays du Golfe ou d'Europe. En l'espace de deux décennies, après le plan qualité tourisme 2000, la Tunisie est devenue la deuxième destination mondiale en thalassothérapie, soit une place forte dans le tourisme de bien-être, marché qui connaît une évolution supérieure à la moyenne de la profession. Mais, si on va en Tunisie pour se soigner, ce n'est pas uniquement pour des cures avec l'eau de mer et autres balnéothérapies. C'est aussi pour bénéficier de prestations au meilleur rapport qualité/prix dans des domaines très pointus. En effet, les soins les plus demandés par les étrangers qui fréquentent les cliniques tunisiennes sont les pontages coronariens, le remplacement de valves cardiaques, les prothèses de hanche, l'arthroplastie du genou, la chirurgie du rachis, la chirurgie esthétique et plastique, la greffe de moelle osseuse, les traitements inhibiteurs de l'angiogénèse et l'hystérectomie vaginale. M. K.