Cinquième chapitre : Malgré elle... Résumé : Maria est partie comme une voleuse et s'est installée ailleurs. Yahia le découvre et se résigne à retourner en Tunisie. Dix années ont passé. Salem a grandi. Il est devenu un adolescent calme, studieux et respectueux, faisant le bonheur de sa mère, dont la vie tourne autour de lui. Un soir, elle le trouve en train de bouder. Ce n'est pas dans ses habitudes... - Bonsoir mon ange !, s'écrie-t-elle depuis l'entrée où elle se débarrasse de ses chaussures et de sa veste. Je suis crevée... Je vais prendre une douche ! Maria est trop épuisée pour prendre le temps de l'interroger. Elle va prendre une douche et met une robe d'intérieur. Elle s'allonge, voulant se reposer un peu avant d'aller réchauffer les restes de la veille s'il ne le fait pas avant. La journée a été longue et une panne de son PC l'a retardée dans son travail. Elle est rentrée sans avoir fini. Demain, elle partira plus tôt que d'habitude. Elle s'assoupit rapidement. Il lui semble voir quelqu'un entrer dans sa chambre, aller et venir. Un bruit de verre brisé la tire de sa somnolence. Le cœur battant très fort, elle se redresse sur le lit. Elle voit Salem ramasser le petit vase cassé qui ornait sa commode. Il les pose dessus et reprend son sac à main. - Salem ? Mais qu'est-ce que tu cherches ? Tu veux de l'argent ? - Non... Salem prend le sac et le vide sur le lit. Il prend le portefeuille. - Mais qu'est-ce qui te prend ? Qu'est-ce que tu cherches ? - Je veux une photo ! - De moi ? De toi ? - Je veux voir mon père ! s'écrie-t-il d'une voix si peinée qu'un tilt résonne en son esprit, comme à l'approche d'un danger. - Ton père ? Reprend-elle. Mais il est mort ! - C'est ce que tu as dit depuis que je suis petit ! rétorque-t-il. Je voudrais le voir ! Pourquoi on n'a pas de photos de lui dans la maison ? Pourquoi tu ne me parles pas de vous ? Plus petit, quand il demandait après lui, elle disait que son père était mort. Maintenant il veut des photos et des souvenirs de lui. - Que s'est-il passé aujourd'hui ? L'adolescent secoue la tête. Il a une expression indéchiffrable au visage. Pendant un moment, il ne répond pas. - Tous mes copains ont raconté des souvenirs sauf moi ! - Wlidi laâziz (mon fils chéri), tu ne peux pas en raconter, car tu n'en as pas, dit-elle doucement, en lui faisant signe de venir s'asseoir près d'elle. Ton père... - Ne me racontes pas d'histoire ! Dis-moi la vérité ! Je ne suis pas un enfant ! Maria sourit à travers ses larmes. Si aux autres, les plus curieux, et qu'elle considérait comme compréhensifs, elle avait menti en leur racontant avoir été violée par un terroriste et qu'elle devait son salut, à la vitesse de ses jambes, à son fils, elle ne peut pas lui faire croire qu'il est le fruit d'un viol et que son géniteur est un monstre qui tue ceux qui ne sont pas pour sa politique. - Non, murmure-t-elle beaucoup plus pour elle-même que pour lui. Je vais te raconter la vérité... C'est vrai que je te disais que quand tu seras grand, je te la raconterai ! - Cet instant est arrivé ! Je ne me coucherai pas avant ! Maman, s'il te plaît... Dis-moi tout ! Pourquoi il n'y a pas son nom dans le livret de famille ! Pourquoi ? Maria prend une profonde inspiration comme si elle allait plonger dans l'eau. Elle y va doucement, tenant à enjoliver son récit. - Ton père et moi, nous nous aimions à la folie. Nos familles ne voulaient pas entendre parler de mariage ! Ils le destinaient à une autre ! - Ils étaient fous ? Maria a un faible sourire, consciente qu'elle devra toujours mentir, et cela lui fait mal. - Non, mon chéri, c'était un temps où le jeune homme ne choisissait pas sa femme et vice-versa ! C'étaient les parents qui arrangeaient les mariages ! Yahia s'était révolté. Ses parents l'ont renié... - Oh ! Ils ne voulaient plus de lui ?, l'interroge-t-il ; et comme elle hoche la tête, il poursuit : Alors vous vous êtes enfuis ? C'est ça ? Vous avez fait comme Hiziya et Sayed ? (À suivre) A. K.