Les libertés de la presse et d'expression ne trouvent toujours pas leur signification complète, tant est que l'émancipation de la presse privée est entravée par un chantage à la publicité et une répartition arbitraire de la manne. "De pseudo-hommes politiques, soutenus par une presse qui n'a aucun souci de son éthique professionnelle (...)." Voilà l'intercalaire, inséré dans le message présidentiel du 19 mars dernier, qui témoigne, si besoin est, de tout le désamour que le pouvoir nourrit à l'endroit de la presse privée nationale. Des annonceurs privés se sont rendus également à des chantages par la publicité à l'encontre de la presse. Des chantages attestés soit par des gestes, sinon par des propos. Les attitudes du pouvoir et des annonceurs privés se rejoignent pour traduire une même volonté à soumettre la presse à un chantage politique que traduirait un sevrage publicitaire. Si le pouvoir politique a toujours usé de la répartition de la manne publicitaire, gérée de manière monopolistique par l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep), comme d'un moyen de chantage pour influer sur les lignes éditoriales de la presse privée, certains d'entre les annonceurs privés useront également, quoique bien plus tard, ouvertement du procédé. Et c'est le patron d'un opérateur de téléphonie mobile qui a eu l'outrecuidance de lancer publiquement la sommation, sans en mesurer, à l'évidence, les contrecoups. La presse se trouve donc prise en tenailles entre les annonceurs publics et les annonceurs privés qui ont pris l'exemple sur la pratique du pouvoir. La presse privée s'en trouve forcément mise à mal par une telle situation. La répartition de la publicité institutionnelle, dévolue exclusivement à l'Anep, ne se fait pas selon des critères objectifs liés, par exemple, au tirage ou à la notoriété de la publication. Le bénéfice de la manne publicitaire est fonction du degré d'adaptation éditoriale à la politique gouvernementale. L'équation est de mise depuis l'avènement du président Bouteflika, lui, dont la relation avec la presse privée n'a, à aucun moment, été apaisée. Dès 1999 déjà, le décor d'une confrontation est planté. Le président Bouteflika a eu des propos peu élogieux à l'endroit des journalistes qu'il a qualifiés de "tayyabat el-hammam". Et c'est par le chantage à la publicité que le pouvoir traduira son animosité envers les journaux privés. La tentative de l'ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, de sortir du monopole de l'Etat sur la publicité institutionnelle et, donc, de la distribution arbitraire de la manne, sera vaine. Le projet de loi que son département a élaboré et que les Conseils du gouvernement, puis des ministres et l'APN ont adopté n'est pas allé plus loin que le Sénat. Il ne deviendra jamais loi. Rejeté par la Chambre haute du Parlement, il a tout bonnement été retiré du circuit. Il était clair dès lors que le pouvoir n'était pas animé de bonnes intentions envers la presse privée qu'il n'a jamais trouvée à son goût. Le sentiment n'a guère évolué. La vision aussi, puisque dans l'ébauche d'un projet de loi sur la publicité, le ministre de la Communication, Hamid Grine, pose plus de balises qu'il ne consigne de valeurs émancipatrices qui affranchiraient la publicité de la gestion arbitraire de l'Etat. S. A. I.