De quelques convictions qu'ils se réclament, les analystes, tout comme les observateurs avertis de la scène politique nationale, ont été incapables d'entrevoir quelle lettre de mission est assignée au gouvernement remanié d'Abdelmalek Sellal. Le commentaire de l'opposition politique, qui a quasi unanimement qualifié le remaniement ministériel de jeudi dernier de "non-événement", ne manque pas de pertinence. S'il est aisé de s'attarder sur les raisons ayant dicté le renvoi de nombre de ministres, il n'est, en revanche, pas du tout évident de cerner, au travers des seuls profils des nouveaux titulaires de portefeuilles ministériels libérés, les objectifs assignés au nouvel Exécutif. Le remodelage de la composante de l'Exécutif a indubitablement procédé du besoin du gouvernement d'évacuer le trop-plein de pression qui pesait sur lui, du fait d'abord de sclérose qui a paralysé son action et, ensuite, des déballages médiatiques intéressant nombre de ministres et qui impactaient très négativement sur son image... sur l'état de la gouvernance, en général. Le reste n'est qu'arithmétique, c'est-à-dire un pourvoi mécanique aux postes laissés vacants par les ministres recalés, sur fond, il faut le dire, de réajustements maladroits. Comme, par exemple, cette diplomatie bicéphale qui met en concurrence deux ministres, Lamamra et Messahel. C'est peut-être au regard de cette situation inédite que, dans sa première réaction au remaniement ministériel, le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, a parlé de gouvernement de transition. L'homme fort du FLN n'a pas forcément tort, lui, pour qui, généralement, les agendas politiques officiels n'ont pas de secret. En vérité, d'ailleurs, l'équipée n'est pas armée pour le long cours et ne semble pas se fixer des perspectives bien claires. Il a assurément raison de se rendre à une telle appréciation, puisque le remaniement en question n'a pas été déclaré comme étant la résultante d'une négociation politique avec les partis, du moins avec ceux se réclamant de la proximité politique du président de la République. Hormis, peut-être, le nouveau ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, qui avait ramé, en sa qualité de délégué général des banques et établissements financiers (Abef), à contre-courant des visions économiques du gouvernement, on ne connaît pas aux nouveaux promus de propositions qui ont fait débat. Et, au demeurant, même si l'ex-patron de l'Abef avait préconisé, entre autres, la dévaluation du dinar comme la mesure à même d'assécher le marché informel de la devise, il n'est pas certain que ce soit cela qui lui ait valu sa promotion. Le gouvernement Sellal, dont cette quatrième version ne semble pas être définitive, reste très frileux sur la prise de risque s'agissant des questions financières et même bancaires. En tant que mesure assumée et volontairement actée, la dévaluation de la monnaie nationale n'a jamais été envisagée par le gouvernement. Plus globalement, le gouvernement Sellal, qui, faut-il le noter, n'a subi qu'un léger lifting, ne s'est pas enrichi de profils politiques à même d'imprimer une nouvelle trajectoire à son action. Autrement dit, au vu de la nouvelle composante qui a pris place dans le navire, il n'est pas certain qu'un changement de cap soit prévu. Au double plan politique et économique. Toute porte à croire, en effet, que le remaniement ministériel est intervenu sans autre lettre de mission que celle définie pour le gouvernement Sellal en 2014. Il apparaît, par plusieurs aspects, comme étant une décision prise principalement pour rompre l'atonie institutionnelle. Mais aussi comme une initiative de substitution au projet de révision de la Constitution dont la concrétisation patine. Le pouvoir, qui éprouve des difficultés à parachever son chantier de réformes politiques promises en 2011, notamment la mise en place d'une nouvelle loi fondamentale, a grand besoin de donner une illusion de dynamisme. S. A. I.