Résumé : Mimouna promet à sa petite fille de l'accompagner chez Lla Sakina, une ancienne matrone du village. Cependant, elle lui réitère ses conseils. Seule la patience pourra venir à bout de tous les aléas. Samir l'aimait, mais si elle continuait à l'importuner, il ira chercher ailleurs. Ne lui avait-il pas donné une belle preuve de cet amour en la débarrassant de sa tache de vin ? La jeune femme hoche la tête : -Oui...Je lui dois beaucoup. Tu me rappelles tout le temps ce passage, grand-mère. Je n'en vois plus l'utilité, puisque ma tache de vin n'est plus qu'un mauvais souvenir. -Oui. C'est ça Mordjana...Je vois que ton égocentrisme t'aveugle au point que tu ne vois plus le jour. Ah ! ma fille, je crains tant pour toi...Et mes craintes se justifient de jour en jour... Tu deviens insensible. T'en rends-tu compte ? -Moi, insensible ... ? -Tout à fait... Ton insensibilité telles les tentacules d'une pieuvre, commence à pénétrer dans les profondeurs de ton âme, et à noyer tes sentiments... Tu ne vois plus que tes intérêts et tes préoccupations, sans regarder autour de toi, ni prendre en considération l'amour que te porte Samir ... Tu exclus tout le monde de cet univers que tu t'es créé et qui finira par t'engloutir si tu continues sur ta lancée. Dépitée par les vérités crues et sans fard de sa grand-mère, la jeune femme la regarde dans les yeux et y lut un mélange de colère et de compassion. Honteuse, elle baisse la tête, mais la vieille femme lui prend la main et lui dit : -Nous allons rendre visite à Lla Sakina, et nous verrons ce qu'il y a lieu de faire. Je te promets de t'aider à prendre sérieusement tes préoccupations en main afin de sortir définitivement de ce gouffre dans lequel tu t'es plongée. Mordjana passe une nuit agitée. Les paroles de sa grand-mère torturaient son âme et ses pensées. Personne ne lui avait dévoilé jusque-là que sa conduite envers son entourage et en particulier envers son mari était malsaine. Certes, elle traversait des moments délicats, mais cela ne devait pas se répercuter sur son comportement. Hasna, sa belle-mère, lui rendait parfois la vie difficile, mais elle avait appris à affronter ses colère, et à gérer ses moments de détresse. Cette dernière avait souffert, et payé le tribut de l'insouciance de son mari... Néanmoins, ces derniers temps, elle devenait plus souple avec elle et la consultait dans ses initiatives. Mordjana la secondait de son mieux. Elle avait remarqué toutefois que Hasna devenait distante avec elle... Avait-elle elle aussi senti son insensibilité ? Elle avait beau se tourner et se retourner dans son lit, elle ne trouva ni le sommeil ni les réponses logiques à ses questions. "Grand-mère avait raison, se dit-elle, je dois revoir mon comportement. Je suis devenue une âme ambulante dans un corps vide. Mon désir d'enfanter m'a empêché de voir clairement la réalité des choses mais je vais rectifier le tir dès mon retour à la maison." Comme si cette promesse lui avait ouvert d'autres perspectives, ses yeux se refermèrent enfin. On n'était pas loin de l'aube, et elle entendait déjà son grand-père qui se levait pour la première prière de la journée... Lorsqu'elle se réveilla, il faisait déjà grand jour. Sa grand-mère avait préparé du café, et était en train d'étendre du linge dans la cour. Une bonne odeur de galette chaude se répandait à travers la maison. Mordjana tire une chaise pour s'attabler devant son petit-déjeuner. Elle se met à étaler du beurre sur un morceau de galette, avant de se verser un bol de café au lait. -Enfin, tu te réveilles... Mordjana sourit avant de mordre dans sa galette : -Oui....Je n'ai pu dormir qu'aux premières heures du matin, tu vois un inconvénient à mon réveil tardif ? -Moi non. Mais la vieille Sakina pourrait sortir ou recevoir d'autres gens...Nous serions alors obligées de l'attendre de longues heures...J'aurais aimé qu'on se rende chez elle au plus tôt. La jeune femme dépose son bol et s'essuie la bouche : -Je vais me préparer tout de suite grand-mère. La vieille dame hoche la tête : -Oui...Et surtout, prends# avec toi une serviette et un flacon d'eau de Cologne si tu en as...Moi je vais m'occuper du reste. Mordjana fronce les sourcils : -Je ne te suis pas...Si cette matrone doit procéder à des massages, c'est à elle de se procurer ce dont elle aura besoin. -Certes ...Mais il y a tellement de gens qui viennent la voir que parfois elle en est à court. Alors soyons prévoyantes...Les serviettes, c'est pour s'essuyer après la séance et l'eau de Cologne te servira pour te détendre et te relaxer. On transpire tant lorsqu'on se fait masser, qu'à la fin, on a besoin de boire et de s'asperger le visage avec quelque chose de frais. Lorsqu'elles arrivent chez la vieille accoucheuse, elles trouvent la porte fermée et un silence pesant régnait sur les lieux. Mordjana est déçue. Mais sa grand-mère plus optimiste s'approche de la porte et donne plusieurs coups. Un instant plus tard, une jeune femme leur ouvre. Après les salutations d'usage, elle leur demande la raison de leur visite, avant de leur annoncer que la vieille Sakina était un peu souffrante, et qu'elles devraient revenir une autre fois. (À suivre) Y. H.