Résumé : Après une longue consultation, Chahine décide de prendre en charge Mordjana, et juge que la tache sur sa joue n'était pas irréversible, mais il devrait procéder à une première intervention pour sonder les profondeurs du mal. Samir emmène ensuite sa femme se promener et faire du shopping. Il lui offre même une bague. Elle regarde la bague à son annulaire gauche et ébauche un sourire triste : -Personne ne m'a jamais rien offert Samir... À la maison, je portais les vieilles robes de ma mère, et pour sortir, Maroua me passait de temps à autre une tenue. C'est elle-même qui a d'ailleurs tenu à me confectionner ces robes d'intérieur que j'ai ramenées dans mes bagages. -Eh bien, désormais c'est ton mari qui doit subvenir à tous tes besoins... Tu n'auras qu'à demander. Emue, elle se glisse dans ses bras en murmurant d'une voix à peine audible : -Que Dieu te garde pour moi, Samir. Le lendemain, le jeune homme se lève tôt et part travailler. Il avait des rendez-vous importants et des engagements à honorer. Mordjana se retrouve donc seule avec sa belle-mère après le départ de ses deux beaux-frères qui, de leur côté, avaient rejoint leurs boulots respectifs. Hasna s'était levée aux aurores et avait déjà préparé le déjeuner, lorsque Mordjana était entrée dans la cuisine. La vieille dame avait les lèvres pincées et le front plissé. Aïssa avait quitté la maison la veille et n'était pas encore rentré. Samir lui avait révélé que, parfois, son père disparaissait des jours durant sans donner signe de vie. Une habitude ancrée maintenant dans les mœurs et que personne ne pouvait changer. Lors de ces absences, Hasna devenait taciturne et amère. Mordjana en avait maintenant l'irréfutable preuve. Tout comme chez elle, lorsque son père disparaissait des semaines entières et que sa mère adoptait un mutisme inhabituel. Combien de fois ne l'avait-elle pas surprise en train de verser des larmes silencieuses et révélatrices de son malaise ? Hasna, au moins, n'avait plus d'enfants en bas âge, et n'avait pas non plus une famille nombreuse... Par contre elle... Mordjana s'assoit devant la grande table de cuisine et demande d'une petite voix : -Yemma Hasna, pourrais-je me rendre utile ? La vieille femme hausse les épaules : -Occupe-toi de ton mari... Le reste, je saurais y faire face. -Samir est parti travailler... Je me suis levée pour lui repasser ses vêtements et préparer le petit-déjeuner, avant d'aller mettre un peu d'ordre dans ma chambre. Maintenant, j'aimerais t'aider dans tes tâches ménagères. -Bien. Alors tu nettoies la cour et tu fais les deux lits de tes beaux-frères. -S'il y a de la lessive, je pourrais la faire... Vous avez de l'eau courante ? -Tous les jours, mais la lessive, je la fais en fin de semaine... Une fois par semaine suffit pour le lavage des vêtements et le repassage. Mordjana hoche la tête : -Je vois... Tout est organisé... -Tu y vois un inconvénient au programme ? -Pas du tout... Heu... Chez-nous, c'est tous les jours qu'on fait la lessive... Les petits se salissent tout le temps... -Chez-moi, il n'y a pas de petits... Il y a que des grands... Que voulait-elle donc insinuer par là ? se demande Mordjana, qui était sûre que sa belle-mère jouait sur les mots. Elle se lève pour nettoyer la cour et faire les lits de ses jeunes beaux-frères. Ensuite, elle rejoint sa chambre et attendit. Hasna était sortie acheter le pain et le lait. Samir l'appelle vers la mi-journée pour prendre de ses nouvelles. Elle ne devrait pas prendre en compte les remarques désobligeantes de sa belle-mère, ne cessait-il de lui réitérer. Mordjana maintenant est sûre d'une chose : elle n'était pas la bienvenue dans la famille, certes, mais Samir l'aimait. Alors, le reste ne comptait pas pour elle. La veille, Chahine, le chirurgien, n'avait pas cessé de lui recommander de prendre soin d'elle-même. Elle avait suivi son mari dans un grand laboratoire, où on lui avait fait des prises de sang et quelques prélèvements cutanés. Samir ira récupérer les résultats, et on pourra programmer une première opération dans les plus brefs délais. Elle s'approche de la glace accrochée au mur et contemple son visage comme si elle le voyait pour la première fois... Elle passe une main sur son front, puis dessine des arabesques sur ses deux joues. D'abord, la saine, puis celle qui l'avait toujours fait souffrir. Pourtant, se dit-elle, mes traits sont fins et agréables. Elle contourne sa bouche de son doigt puis se pince le nez, avant de caresser ses sourcils et de cligner des yeux. "J'aurais pu être aussi belle que ces jeunes actrices qu'on voit à la télé... J'ai une belle chevelure, et la couleur de mon teint n'est pas pour m'enlaidir..." Elle ôte son foulard, et laisse retomber ses cheveux sur ses épaules. Puis, dans un geste de coquetterie, les relève en queue de cheval, avant de tracer ses lèvres d'un rouge vermeil, et de brosser ses cils avec un mascara noir. Le résultat lui plut. Elle est encore une jeune mariée, et se doit de paraître à son avantage. Samir la trouvera belle... À n'en pas douter. Ah ! Samir ! (À suivre) Y. H.