Le monde avicole en Algérie reste vulnérable devant une demande de plus en plus croissante en matière de viande blanche. Ces dernières années, le marché de la volaille s'est développé de manière fulgurante pour répondre à une demande de plus en plus importante. Conséquence : beaucoup d'éleveurs ont tendance à négliger le respect des normes de densité recommandées. Les experts expliquent que bien qu'il soit actuellement admis que le risque est relativement bas, les résidus des agents antimicrobiens persistant à des niveaux supérieurs aux niveaux minimums acceptables dans les denrées d'animaux traités peuvent contribuer à l'émergence de la résistance bactérienne chez l'homme. Jean-Felix Larose, médecin vétérinaire, aromatologue et directeur scientifique de la société Plantaxion, basée en Algérie, et représentant du laboratoire français Biodevas, estime que l'un des problèmes de la production avicole en Algérie est l'absence de la traçabilité au niveau des résidus dans la viande ou dans les œufs. Un problème qui se répercute forcément sur la santé publique. « Il va falloir que la population vétérinaire en Algérie devienne plus responsable dans l'utilisation des antibiotiques et antimicrobiens », estime le représentant du laboratoire spécialisé dans la recherche, le développement et la fabrication de produits naturels destinés à diminuer l'utilisation des traitements phytosanitaires et antibiotiques en agriculture. Le vétérinaire canadien lance un appel à ses confrères algériens pour utiliser les antibiotiques « à bon escient » car, selon lui, le monde avicole aujourd'hui a tendance à trouver d'autres alternatives que l'utilisation des additifs chimiques. Aussi, propose-t-il, une autre solution aux microbes résistants et aux résidus qui se trouvent dans la chaîne alimentaire. « On n'est pas obligés de faire de la prévention avec des antibiotiques. Malheureusement, ici en Algérie comme ailleurs, le phénomène est le même », note le médecin vétérinaire qui suggère des produits antimicrobiens à base de végétaux, d'huiles essentielles, de plantes aromatiques et non aromatiques riches en antioxydants. « Ce sont des substances qu'on met dans les boissons et qui permettent aux oiseaux de pallier les problèmes de stress biotique et abiotique causés respectivement par le microbisme et l'environnement », explique le Dr Jean-Felix Larose. Ce dernier n'exclut pas que ce produit soit fabriqué en Algérie. Pour sa part, le directeur technique de la société Plantaxion, Abdelouahab Khelili, estime que le taux de mortalité des poussins en Algérie est de l'ordre de 17%. Mais avec l'utilisation des produits de Biodevas, ce pourcentage a été réduit à 8%. « C'est très important pour l'économie nationale et la production de la viande blanche », a-t-il estimé. Importation de molécules interdites Pour I. S., vétérinaire qui a longuement travaillé dans le domaine de la production de la volaille, le problème de l'aviculture réside aussi dans l'utilisation de certaines molécules importées et qui sont interdites par la loi « La facture des médicaments destinés aux traitements des animaux est salée. Mais personne n'en parle pour au moins suivre la traçabilité des médicaments utilisés sur la volaille de chaire », souligne l'experte. Mais il n'y a pas que ce travers. Elle signale aussi que l'abattage est pratiqué dans des conditions d'hygiène déplorables sans l'aval du vétérinaire. « Il y a un sérieux problème de santé publique. Les résidus contenus dans la viande blanche ou rouge ont une conséquence sur l'être humain qui peut contracter des germes résistants », explique-t-elle. Cela est d'autant plus problématique qu'elle relève l'absence de laboratoires d'analyses des résidus. « L'institut national de la médecine vétérinaire est doté d'un laboratoire bien équipé mais, malheureusement, il n'est pas fonctionnel », avoue la scientifique. Le vétérinaire Samir Hamza, ancien membre du Syndicat national des vétérinaires algériens et qui active dans la wilaya de Biskra, affiche son optimisme quant à l'organisation du secteur avicole. Même s'il reconnaît l'existence de défaillances qui mettent en danger la santé publique, il évoque le programme de jumelage entre l'Algérie et la France en matière de contrôle, entre autres, des résidus qui se retrouvent dans la viande. Il explique, à ce sujet, que plusieurs vétérinaires contrôleurs ont bénéficié de formations en France et en Algérie de la part d'experts étrangers dans le domaine du contrôle de la production de la volaille. Néanmoins, il estime que le secteur devrait être mieux protégé. Selon lui, les œufs, par exemple, doivent être estampillés avant leur commercialisation. « C'est une manière très simple qui permettra de suivre la traçabilité du produit en cas de problème », observe-t-il. Pour le porte-parole de l'Union générale des commerçants et artisans algérien, Hadj-Tahar Boulenouar, la situation est grave et incontrôlable. Outre le problème qui relève de la surutilisation des antibiotiques et l'abattage qui échappe au contrôle, il y a le développement de l'informel. Pour Boulenouar, cette catégorie d'éleveurs couvre une bonne partie du marché sans le moindre contrôle. « Ce sont des éleveurs qui ne savent même pas lire la notice d'un produit médical. Ils utilisent des médicaments sans en connaître le dosage. Un volailler achète le produit parce que son voisin l'utilise », témoigne-t-il.