Hormis le relogement de 39 familles de l'impasse Mohamed-Taleb de Bab Edjedid, beaucoup de Casbadjis ont été laissés en marge des multiples opérations de relogement menées récemment dans la wilaya d'Alger. Située à l'intérieur de l'ancien presbytère de Bab Edjedid et à proximité de djamaâ (mosquée) El-Barani, l'enfilade de baraques accolées au rempart de la citadelle d'Alger représentait un obstacle à la bonne marche du chantier inhérent à l'embellissement de Dar Essoltane. "C'est à la faveur de la visite de la ministre de la culture, Mme Khalida Toumi, et du wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, qu'il y eut la décision salvatrice d'évacuer à Ouled Chebel, dans la daïra de Birtouta, 39 familles qui s'entassaient aux abords de la résidence de l'ultime Dey d'Alger", a-t-on appris de l'équipe de l'OGEBC (Office de gestion et de l'exploitation des biens culturels). C'est dire que ces malheureux n'ont dû leur salut qu'à la faveur d'un projet dit d'utilité publique ! Ce qui n'est malheureusement pas le cas des habitants de "houmat" (quartier) de Bir Djebah (puits de l'apiculteur), que l'on ne voit pas, puisqu'ils vivent cachés dans des "douérat" (bâtisses traditionnelles) délabrées et soutenues par d'angoissants étais en bois. En témoigne l'enchevêtrement de supports d'accotement sur l'exigu passage contigu à la douérat du saint Sidi Amar ainsi que le pâté de maisons au lieu-dit Taht Essour (sous le rempart), où il y a la maison de la défunte Hadj-Ali Keltouma et l'avoisinante douéra qui a servi de décor au film Les Enfants du soleil de Mohamed Ifticène. "Le relogement ? On n'y croit plus ! Notre existence s'égrène au gré d'un énième recensement et de dossiers sans cesse réactualisés à l'APC de La Casbah. D'ailleurs, les cas socialement cruels sont d'autant patents, à l'instar des familles Oukaci et Mustapha, le fils du chanteur Ahcène Saïd. Pis encore, des propriétaires consentent encore la location de leurs maisons en dépit du relogement d'anciens locataires au 3, rue Hadj-Omar, où 7 familles encourent la mort", s'indigne Smaïli Karim, cet habitant de la z'niqa (venelle) des Pyramides. Du reste, le plus gros est à venir, particulièrement au quartier de Zoudj Ayoune à la Basse Casbah, où 19 familles cœxistent à l'ère du Moyen âge. Repérées à l'estuaire de la galerie Mecheri-Mohamed-Ahmed nous fûmes reçu par Belhadj Fatiha, la petite-fille de la propriétaire de la bâtisse sise au 19 de l'ancienne galerie Henry-Klein, qui s'était effondrée le 23 mars 2013 lors de l'adhan de la prière du vendredi. Et c'est sous les infiltrations d'eau d'une pluie battante sur la tinda que nous sommes allés à la rencontre de ces "parias" : "Et depuis, nous vivons mes trois enfants et moi dans ces baraques que nous avions construites sur la parcelle de terrain qui appartient à ma défunte grand-mère. Certes, à l'exception de ma grand-mère décédée en 1993, il y eut auparavant le relogement des sinistrés au lendemain du séisme du 29 octobre 1989. Sachez que trois familles habitent encore dans ces décombres. Quant à ceux-là, ils sont venus s'ajouter par la suite en érigeant des baraques tout autour de ma parcelle et à même le pavé du beylik depuis plus de vingt ans. Que puis-je faire d'autre que d'accepter, du fait que leur tentative d'occuper l'école Ahmed-Hammouche à la rue Hadj-Omar s'était heurtée à la force publique. Dans le lot des occupants, il y a les familles Ferhat Hocine, Aït Taleb Rabah, Farhi Fatiha et tant d'autres." Parmi "ceux-là", il y a également Gharnoug Azza, une pupille de l'état et mère d'un enfant, qui s'était installée dans ces décombres en 2006. Bien entendu qu'il nous brûlait d'avoir l'avis du maire de La Casbah. Seulement, nos multiples tentatives d'obtenir un rendez-vous se sont heurtées à un refus pur et simple de la part du maire qui en sait beaucoup plus sur la situation désastreuse de ces malheureux. N'est-ce pas là la rançon de l'erreur de ne pas avoir muré à temps les douérat évacuées ? C'est dire la responsabilité collective qui entoure cette Casbah, productrice de logement. Et du haut de Dar Essouf (La maison de la laine) et à proximité du Musée des arts de l'enluminure, la miniature et de la calligraphie de Dar Mustapha-Pacha, on peut voir ce bidonville qui bloque l'accès de la galerie Henry-Klein vers la rue Hadj-Omar (ex-Bruce). L. N.