Journaliste-écrivain et par-dessus tout fils de la Casbah à qui vous avez dédié des récits intitulés « Chroniques algéroises, La Casbah », publiés aux éditions Anep en 2011, quel regard portez-vous aujourd'hui sur la vieille Médina ? La Casbah, ou ce qu'il en reste, dicte d'aller vite pour conserver ce qu'il y a encore à sauver. S'il en est une preuve d'une urgence à laquelle le beylik se doit d'y remédier sans délai, celle-ci est à chercher à la « houmat » (quartier) de Bir-Djebah, où les étais en bois peinent à contenir l'échoppe d'âami (tonton) Ahmed qui vendait autrefois les biscuits d'« El Qortas » (Les oublis) et les façades latérales de Dar du saint Sidi-Amar attenante à la « douera » (bâtisse) où fut tourné le film « Les enfants du soleil » de Mohamed Ifticène (1991). Autant d'images qui sont subtilisées au visiteur, du fait que l'« aïn » (fontaine) de Bir-Djebah ne figure pas sur l'itinéraire touristique préalablement tracé à partir de la rue Mohamed-Azzouzi, au boulevard de la victoire à Bab-Edjedid jusqu'aux somptueux palais de Zoudj-Aïoune dans la Basse-Casbah, où tout n'est qu'illusions. Loin de moi l'idée de jouer au rabat-joie, mais le mieux est d'emprunter plutôt la « z'niqa » (venelle) des Frères-Racim (ex-rue du Chameau) afin de mieux évaluer l'étendue réelle des dégâts, notamment à l'impasse du Palmier à « Taht-Essour » (sous le rempart), où les douerate vacillent sous d'aléatoires appuis en bois. Pire encore, puisqu'au-delà de Sidi-Bouguedour, l'effondrement de « doueret » de l'îlot dit « Houanet Si-Abdellah » s'en ressent sur une tranche de vie de la Casbah. Que dire d'autre, sinon que le séisme du 1er août de l'an 2014 a fragilisé davantage la Casbah, particulièrement sur le périple touristique, où il y eut l'effondrement de deux douerate à l'impasse de l'Ours et à Bir-Chebana (Khangat Chitane). C'est dire qu'il serait prétentieux de dresser un état des lieux dont la courbe est sans cesse croissante. Classée patrimoine universel par l'Unesco en 1992 à Santa-Fe, « El-Djazaïr El Mahroussa » d'autrefois fait aujourd'hui l'objet d'un vaste plan de restauration mené par les pouvoirs publics en collaboration avec plusieurs partenaires étrangers. Croyez-vous à sa remise sur selle ? La mise en valeur de la Citadelle d'Alger, ou « Dar Essoltane », de Bab-Edjedid, qui date du XVIe siècle de l'époque ottomane, permet de déceler une lueur d'espoir, voire un champs de visibilité pour les travaux d'urgence qu'il y a lieu d'entreprendre en divers endroits répertoriés sur le plan du secteur sauvegardé, à l'instar de quatorze îlots, dont la Mer-rouge, Souk El-Djemâa, Amara-Ali, Sidi-Ramdane, Bab B'har ainsi que le café de la marine et Amar El Kama. Pour cela, l'urgence de l'heure est de permettre l'accès de ce type de chantiers spécifiques à la communauté universitaire, particulièrement pour les étudiants en archéologie et les artisans stagiaires. Ce n'est qu'à cette condition que l'on rehaussera le niveau de la formation dans le domaine de la restauration. Seulement, il y a loin de la coupe aux lèvres, du fait qu'aucune suite n'a résulté de l'appel d'offres pour le choix d'entreprises de réalisation lancé au lendemain-même des festivités de la Journée nationale de la Casbah. D'aucuns parmi les Casbadjis et le mouvement associatif de la Casbah s'inquiètent d'un temps aussi long consacré à l'analyse des offres et au choix de partenaires. Mais qu'à cela ne tienne, soyons tout de même confiants, car il y va de la pérennité de « Casbah nôtre ». Que faut-il justement pour renouer les habitants avec leur vieux et prestigieux patrimoine culturel immatériel ? D'abord, le mieux est d'insuffler de la vie à ce bastion de l'esthétique, qui n'a nul autre pareil dans le monde, et d'inoculer la joie de vivre aux Casbadjis. le Casbadji réfute la pitié d'une galerie de supposés esprits biens pensants, où l'on ne compte pas uniquement que les anciens qui ont à cœur la Casbah, mais toute une faune de « s'masria » (courtiers) qui n'ont d'yeux que pour le foncier. Pour ce faire, l'idéal est de « défolkloriser » cette cité séculaire pour qu'elle ne soit plus ce fonds de commerce porteur de logements, qui ne profite pas en réalité aux authentiques sans-logis, et de tendre une main salvatrice aux jeunots afin de les accompagner sur l'itinéraire de l'emploi artisanal de leurs aïeuls, qui était jadis source de création de richesse et de prospérité. Pour le reste, la sauvegarde du legs patrimonial immatériel s'en sortira grandi, car « B'net El Casbah », tout autant que leurs sœurs de l'Algérie profonde, ont la culture du patrimoine immatériel à cœur. Après plusieurs années de disette, le mythique café Malakoff a repris ses activités artistiques, comme au bon vieux temps, mais, pensez-vous que l'art en général, et la musique Chaâbi en particulier, aideraient la Casbah à renouer avec son illustre passé ? Il était temps qu'on illumine la galerie Malakoff qui est le cierge de la Casbah, même si l'on n'a plus les « F'nardji » d'antan, sommes-nous tentés de dire ! Peut-être bien que cela augure d'un essor culturel pour une Casbah qui s'est longtemps engluée dans la misère culturelle, au grand désarroi des Casbadjis férus du chaâbi en particulier et de l'art en général. Sachez toutefois que l'âme didactique du « Malakoff » hante de tout temps l'esprit des Casbadjis. J'en veux pour exemple l'afflux des visiteurs, d'ici et d'ailleurs, en ce lieu muséal qui témoigne de la culture de vivre de « Ness El-Casbah, et où planent les ombres de nos chers artistes disparus. Après avoir écrit « Chroniques algéroises, La Casbah » et « Les Jeux de notre enfance » (ndlr) prévoyez-vous d'autres publications dans le futur ? Entre les deux, il y a également l'ouvrage « Sauvons nos salles de cinéma », publié en 2013 aux éditions du Festival du film amazigh, dont M. Si El Hachemi Assad était le commissaire. Pour ce qui est des nouveautés, j'écris, en devoir d'une mémoire, pour les générations à venir et pour immortaliser aussi notre patrimoine immatériel et immémorial de notre belle Algérie. Pour le moment, j'ai une œuvre à l'état de manuscrit. Mais chut, je n'en dis pas plus, sinon que je réserve la primeur pour les lecteurs de Horizons.