Outre la corruption, le transfert illicite de devises est devenu un sport national. Le phénomène a atteint des proportions alarmantes ces deux dernières années. À tel point que les volumes identifiés classent l'Algérie parmi les premiers dans le monde dans le transfert illicite de devises, a reconnu Abdennour Hibouche, le président de la Cellule de transfert du renseignement financier (CTRF), sans toutefois fournir des chiffres à partir des dossiers traités par sa structure. Il était hier l'invité de la rédaction, l'émission matinale de la Chaîne III. Le commerce extérieur et les transactions immobilières sont les deux premiers canaux par lesquels les fraudeurs parviennent à transférer illégalement les devises, a ajouté Abdennour Hibouche. Le premier responsable de la cellule qui dépend du ministère des Finances a rappelé que la mission de cette structure se limite à enregistrer et à examiner les déclarations de soupçons transmises par les banques via la Banque d'Algérie avant de transmettre les dossiers à la justice si les infractions à la législation des changes sont avérées. Elle ne peut s'autosaisir. Elle ne peut pas par exemple enquêter sur des particuliers à partir de signes apparents de richesse indue ou sur les transactions immobilières. C'est le rôle de l'administration fiscale, a-t-il souligné. Le président de cette structure de contrôle créée pour lutter contre le blanchiment d'argent a indiqué que le dispositif institutionnel pour contrer ces phénomènes est parachevé. "Nous avons aujourd'hui un arsenal juridique dans ce domaine comparable aux pays développés", a affirmé le président de la CRTF. Le dernier texte promulgué dans ce domaine au cours du premier semestre 2015 est le gel des avoirs des terroristes. Le premier responsable de la cellule de renseignement ne nous a pas expliqué pourquoi en dépit de la superposition des structures de contrôle des transferts illicites de devises et du blanchiment d'argent, le phénomène a pris une telle ampleur. Deux exigences au moins du Gafi, le gendarme international dans le domaine ne semblent pas respectées en Algérie : les conventions avec les pays tiers pour l'échange d'informations et la coordination entre les différentes structures de contrôle pour réduire le fléau. Tout se passe ici comme si les pouvoirs publics voulaient fermer les yeux sur ces mouvements illégaux de capitaux. Cette situation ternit l'image de l'Algérie à l'extérieur. L'Algérie perçue par le Gafi parmi les pays qui manifestent le moins de volonté pour traquer ces transferts illicites et lutter contre le blanchiment d'argent. Il est clair que la guerre contre le phénomène ne consiste pas uniquement à parachever l'arsenal juridique mais à combler les failles d'un système de contrôle défaillant dont les facettes sont cette impunité et ces complicités au plus haut niveau de l'Etat qui donnent des ailes aux fraudeurs. K. R