Pour booster la performance de leurs collaborateurs, les managers pensent en premier à susciter chez eux les bons comportements. Or, comme l'ont révélé plusieurs études, le premier réflexe véritablement productif devrait consister d'abord à faire la chasse aux mauvais comportements. C'est cette approche qui permet de créer et de diffuser l'excellence au sein de l'entreprise. Qui n'a pas observé dans les quartiers de nos villes et villages l'apparition instantanée de dépotoirs à l'endroit où un quidam jette à la rue le moindre détritus ? Cette espèce d'instinct grégaire ne nous est pas spécifique. Dans les années 80, des criminologistes américains ont étudié ce phénomène et inventé le concept dit de la "vitre brisée" (broken window) pour le décrire : quand dans un pâté de maisons une vitre brisée n'est pas réparée, très rapidement les autres vitres du voisinage ont tendance aussi à être brisées. L'explication ? Être laxiste sur des comportements répréhensibles, même minimes, laisse suggérer que personne ne regarde ni ne s'en soucie, et qu'on n'empêchera pas d'autres personnes à faire pire ! Ces comportements qu'on observe dans la vie de tous les jours sont encore plus nocifs dans le monde du travail car ils portent en eux une grande force destructive : malhonnêteté, paresse, dissimulation, mesquinerie, égoïsme... On a ainsi pu mesurer que des relations négatives entre managers et leurs collaborateurs ont un impact cinq fois plus grand sur le moral des employés que ne le feraient des relations positives ! "Le mauvais est plus fort que le bon" semble donc être l'adage qu'il faut prendre en considération si l'on veut s'engager sur la voie de la performance dans l'entreprise. Dans leur bestseller Scaling Up Excellencei (1), Huggy Rao et Robert Sutton, professeurs de management à la Stanford University, soutiennent précisément cette approche en apportant des conseils très pratiques pour la mettre en œuvre. En particulier, pour éliminer cette force destructive, les auteurs proposent un certain nombre de méthodes pour aider les managers à s'attaquer aux comportements négatifs au travail et qu'ils résument dans un article de la revue McKinsey Quarterly de février 2014. On y découvre les directions dans lesquelles les managers devront s'engager pour réussir plus efficacement leur chasse aux mauvais comportements en relatant des expériences concrètes observées dans différents environnements professionnels qu'ils ont étudiés : grande distribution, hôpitaux, services financiers, télécommunications, transport aérien, énergie... Et pas seulement aux Etats-Unis mais aussi en Amérique latine et en Inde. Nous sommes donc là devant un phénomène qui n'est ni propre à une culture donnée ni à une industrie particulière. Les enseignements de Huggy Rao et Robert Sutton peuvent ainsi être utiles à tout manager partout où il se trouve et dans n'importe quel type d'entreprise ou d'organisation où il exerce. Bien évidemment les managers algériens font face aux mêmes challenges. Peut-être même avec plus d'intensité lorsqu'on observe les niveaux de performance souvent très faibles dans nos entreprises. Quelles recommandations supplémentaires pourrait-on leur donner pour relever ce challenge ? En premier lieu, ils ne devront pas fuir leurs responsabilités en opposant le silence devant les mauvais comportements de leurs collaborateurs mais, au contraire, d'y faire face. Dans cette cette direction, ils veilleront à agir avec la plus grande justice car l'inégalité de traitement entre les collaborateurs est en elle-même une source de frustration et de mauvais comportements. Ils s'efforceront à développer des relations personnalisées avec leurs collaborateurs car les bons comportements sont favorisés lorsque les deux parties sont conscientes de leurs besoins réciproques. Et qu'ils fassent preuve d'opiniâtreté comme nous y invite ce savoureux adage algérien : Essamat' yaghleb leqbih. S. S. 1- Scaling Up Excellence: Getting to More without Settling for Less. Huggy Rao and Robert I. Sutton. Crown Business, 2014.