Azira Mohamed, membre du bureau exécutif du syndicat national des travailleurs du tourisme et du commerce, explique la position de la base quant à la privatisation des hôtels. Selon lui, les travailleurs rejettent le principe de vente. Liberté : Le gouvernement a signifié que le processus de privatisation est irréversible et concernera l'ensemble des secteurs. Que compte faire le syndicat national des travailleurs du tourisme et du commerce pour défendre les intérêts des travailleurs ? Mohamed Azira : Tout d'abord, je tiens à préciser que le ministre de la Participation a toute latitude de mettre en œuvre le programme du gouvernement auquel il appartient. Pour nous, en tant que syndicat, ledit programme ne se limite pas uniquement à une seule forme de privatisation. Nous ne récusons pas la privatisation en tant que telle, mais nous contestons la formule initiée jusque-là. Si l'opération était minutieusement préparée et suffisamment étudiée et dotée encore d'un plan pour sa concrétisation sur le terrain, elle aurait donné probablement des résultats satisfaisants. Depuis des années, le gouvernement ne fait que produire du tapage autour de cette opération, alors qu'il s'agit d'une œuvre extrêmement difficile. Les responsables en charge du dossier l'ont bien sûr rendue plus ardue, parce qu'ils n'ont pas ouvert de dialogue autour de cette question, notamment avec les premiers concernés, les travailleurs et leurs représentants. Si le débat avait précédé toutes les étapes liées à la privatisation, les résultats auraient été nettement meilleurs. Des résultats qui arrangent toutes les parties concernées. Pour le syndicat, la privatisation a plusieurs formes. Avant d'aborder la question, nous aimerions parler d'abord de l'investissement engagé dans le secteur du tourisme et qui générera de nouvelles réalisations qui, pour leur part, contribueront au développement du secteur. Depuis les années 70, le secteur n'a pas enregistré de programme d'investissements. La majorité des structures hôtelières existantes a été construite dans les années 70. Le pays a besoin, aujourd'hui, de nouveaux investissements qui renforceront le parc hôtelier actuel et absorberont le chômage. La solution ne consiste pas à soustraire le secteur public de ces hôtels pour les offrir au secteur privé. Pour nous, Les structures hôtelières actuelles ne sont pas seulement publiques, on peut les appeler “entreprises des travailleurs”. Ce sont ces derniers qui les ont sauvegardées. Ils ont donc un droit de regard sur ces unités. Le syndicat suggère-t-il d'autres formes de privatisation ? Nous ne mettons pas toutes les entreprises dans le même sac, aussi rentables soient-elles ou en difficulté. Le syndicat veut d'abord qu'on procède au tri des entreprises publiques. évaluation unité par unité, au cas par cas. L'on décidera ensuite de l'option de privatisation la plus adéquate pour chaque entreprise. Pour telle unité, la solution est le partenariat. Pour l'autre, l'ouverture du capital. La décision prise devra tenir compte de l'intérêt de l'économie nationale et des travailleurs. Sur un autre plan, je suggère aussi de procéder à la remise à niveau et à la rénovation de ces entreprises, au lieu de les mettre en vente. Par le passé, le tourisme était la dernière roue de la charrette. à présent, on constate que depuis 2000, on commence à donner de l'importance à ce secteur qui peut générer des richesses à l'instar des autres domaines. Mais, il ne faut pas favoriser et créer un secteur au détriment d'un autre. Cela est inacceptable. Certaines entreprises du secteur du tourisme n'ont pas besoin du soutien de l'état, mais de lever seulement la tutelle sur elles. Si le gouvernement cherche à se désengager, qu'il les concède aux travailleurs. Sachez que les travailleurs sont déçus, voire en colère. Leurs entreprises, au moment où elles commencent à enregistrer des résultats positifs, sont proposées à la liquidation. Ils s'interrogent sur les raisons qui ont amené le gouvernement à les déposséder de leur acquis pour l'offrir sur un plateau d'or à d'autres. Pour eux, cela relève de l'injustice. C'est de la hogra. Les établissements déficitaires ne dépassent pas les 5%. Je citerai, à titre d'illustration, la station thermale de Hammam Righa ou l'hôtel Djurdjura à Tikjda, ou encore celui de Tala Guilef. La solution idoine ne consiste pas systématiquement en la mise à la porte des travailleurs. Il faut plutôt aller chercher la raison ailleurs. Est-elle due à la mauvaise gestion ou à la situation sécuritaire ? Après quoi, on prendra les mesures appropriées devant protéger les employés qui ont beaucoup donné et même sacrifié leur vie durant les années 90, les années du terrorisme, pour défendre leurs entreprises. Ces travailleurs, qui caressaient l'espoir de voir leurs entreprises décoller une fois la situation du pays stabilisée, sont menacés de se retrouver dans la rue. Que vont-ils faire ? Faire la manche ou aller se suicider ? Quelle sera l'attitude du syndicat dans le cas où le gouvernement persisterait dans l'option de privatisation sans tenir compte des revendications des travailleurs ? Lors des différentes réunions qu'on a tenues avec la base pour leur expliquer les termes de l'instruction du chef du gouvernement relative à la privatisation, les travailleurs étaient très en colère. Ils disent que l'état fait l'éloge du secteur public quand il a besoin de services dans les moments difficiles, après on le laisse aux oubliettes. Aujourd'hui, on décide de vendre les entreprises. Alors, ils n'exigent pas seulement des salaires, mais leurs droits sur les entreprises. Ils sont prêts à tout affronter, si cela est nécessaire. Les travailleurs nous ont mandatés pour négocier avec les autorités concernant des options autres que la vente des unités. Ils ont même menacé de se rebeller contre leur syndicat si ce dernier accepte le principe de la vente. R. H.